L’espoir suscité par les agropoles pour lutter contre la pauvreté rurale
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Comme dans la majorité des pays africains, et malgré l’urbanisation rapide, le secteur agricole est la première source d’emplois et de revenus pour les populations au Sénégal. Mais dans les communautés rurales, les élus locaux soulignent que les revenus provenant de l’agriculture ne permettent pas d’éradiquer la pauvreté.

Fadel Diop : en réalité, le potentiel des exploitations familiales n’est pas véritablement mis en valeur et c’est pour cela que même si l’agriculture est la principale source de revenus des ménages ruraux, cette activité n’arrive pas à tirer ces familles de la pauvreté. 75% des ménages pauvres au Sénégal vivent en milieu rural et 58% des ménages ruraux sont pauvres selon le Ministère de l’Économie et des Finances.
L’agriculture reste très peu mécanisée. La houe, le semoir et la charrette sont les principaux matériels agricoles. La modernisation des pratiques est donc très lente voire inexistante dans certaines régions. Les superficies cultivées sont en moyenne de moins de 5 hectares par an, ce qui est faible. Dans le bassin arachidier, le revenu global moyen par exploitation s’élève à un peu plus de 700 000 FCA par an alors que chaque exploitation fait vivre en moyenne 10 personnes.
À noter aussi l’incapacité à connecter la production agricole avec de petites industries de transformation. Dans les innombrables plantations de mangues dans le pays, une énorme quantité de mangues d’excellente qualité pourrit chaque année, faute d’être commercialisées ou transformées. Le Sénégal ne transforme que 13 % de sa production agricole.
RFI : La modernisation du secteur agricole est l’un des projets phares du « Plan Sénégal Émergent » mis en œuvre par le gouvernement. Les populations croient-elles au développement de l’agro-industrie ?
Fadel Diop : Il est vrai que le gouvernement est en train de mettre en place des agropoles, c’est-à-dire des centres de transformation agroalimentaire. Il y en aura trois : un dans le sud, un dans le centre et un dans le nord. Les entreprises nationales et internationales pourront y trouver un cadre incitatif, des infrastructures et des services partagés.
Les populations espèrent qu’avec les filières qui vont être mises en place, les jeunes et les femmes auront des emplois et des revenus plus conséquents. Les jeunes, surtout, quittent de plus en plus les zones agricoles pour les milieux urbains parce qu’ils ne croient pas pouvoir gagner leur vie en pratiquant l’agriculture traditionnelle.
Un des élus locaux que WATHI a interrogé à Diourbel, Malick Ciré Sy, rapporte que 27 villages ont été rayés de la carte parce que tous leurs habitants se sont déplacés vers Touba, ville religieuse mais aussi grand centre économique du pays.
RFI : La présence des agropoles va-t-elle permettre de sortir un grand nombre de Sénégalais de la pauvreté dans les zones rurales ?
Fadel Diop : La présence des agropoles va certainement favoriser le développement des chaînes de valeur agricoles. Mais l’encadrement rapproché des agriculteurs et des politiques d’aménagement territorial réalistes resteront déterminants pour s’assurer que les familles gagnent plus de revenus grâce à l’agro-industrie.
Les paysans peuvent être de véritables entrepreneurs. Mais pour Mamadou Lamine Sora, du conseil départemental de Bignona au sud du pays : « L’État en parle mais le niveau d’encadrement est encore faible. Pour un meilleur encadrement, il faut savoir quelle culture mener selon la saison. Il faut que des techniciens agricoles soient recrutés et qu’ils soient tout près des populations rurales pour les encadrer, voir l’évolution des cultures, les types de semences et la façon dont nous semons le riz, le mil, l’arachide et les autres cultures. »
L’agriculture n’est pas une compétence transférée aux collectivités locales mais les élus locaux estiment qu’ils peuvent beaucoup apporter en aidant l’État à avoir une bonne connaissance des exploitations agricoles familiales qui correspondent aux ménages ruraux sur leurs territoires.
► Les entretiens avec les élus locaux sont publiés sur le site www.senegalpolitique.org dans le cadre du partenariat entre WATHI et la Fondation Konrad Adenauer.
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