Ça fait débat avec Wathi

Équilibre des pouvoirs et gouvernance collégiale au cœur de la stabilité démocratique du Cap-Vert

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Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi.
Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi. © Samuelle Banga
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Le Think tank Wathi a mis en ligne un dossier sur le Cap-Vert à l’occasion de l’élection présidentielle du 17 octobre 2021, comme vous le faites pour tous les scrutins présidentiels dans la région. Pour vous, le Cap-Vert a confirmé sa singularité en matière de consolidation démocratique dans un contexte régional préoccupant. 

Oui, tout à fait. Une campagne électorale qui se déroule dans le calme et la convivialité. Une journée d’élection qui se passe dans les mêmes conditions, sans incident. Une commission nationale des élections qui inspire confiance à tous les acteurs et à la population. Les médias et le site d’information du gouvernement qui commencent à annoncer les premiers résultats dès la fin du dépouillement. Le gagnant dès le premier tour avec 51,5% des suffrages, Jose Maria Neves qui célèbre sobrement sa victoire annoncée, son principal adversaire, Carlos Veiga, qui reconnaît prestement sa défaite et félicite le vainqueur. Et la vie qui a repris son cours tranquille dès le lendemain de l’élection.

Dans une Afrique de l’Ouest où on parle essentiellement depuis une année de tripatouillages constitutionnels, de coups d’État, de terrorisme, de régression de la démocratie et de l’État de droit ici et là, l’archipel situé dans l’Océan Atlantique apparaît encore plus qu’avant comme un îlot de plus en plus isolé de stabilité démocratique. Alors même que ce pays fait partie des victimes économiques les plus sérieuses de la pandémie de Covid-19 en Afrique, celle-ci ayant mis à l’arrêt pendant plus d’une année le tourisme, secteur vital de son économie. Malgré ces temps difficiles, pas de crise politique ni à l’occasion des législatives d’avril dernier, ni autour de la présidentielle de la semaine dernière.

Mais n’est-ce pas à cause de la toute petite population du Cap-Vert que les élections sont bien organisées et que la démocratie s’y porte mieux qu’ailleurs en Afrique de l’Ouest ?

Il est indéniable que la faible population de l’archipel - 555.988 habitants en 2020 – doit être prise en compte dans les analyses de la spécificité capverdienne, tout comme l’histoire singulière de l’archipel colonisé par les Portugais qui en ont fait une plaque tournante du commerce triangulaire et de l’esclavage. Il faudra attendre 1975 pour que le Cap-Vert s’affranchisse de la tutelle portugaise, en même temps que la Guinée Bissau. Amilcar Cabral, assassiné en 1973, restera à jamais l’icône de cette guerre d’indépendance commune. Le Cap-Vert et Guinée Bissau ont d’abord formé un État unitaire avant de se séparer en 1980.

C’est en 1990 que le Cap-Vert a mis fin au régime de parti unique du PAICV. La transition démocratique aurait pu mal se passer et aboutir à une démocratie de façade, improductive et corrompue. Tous les pays peu peuplés en Afrique ne sont pas des démocraties exemplaires. Ce n’est donc pas seulement une question de nombre.  

Vous estimez qu’il faut regarder de près les choix institutionnels du Cap-Vert et s’inspirer aussi de l’éthique des acteurs politiques de ce pays. 

En effet. Et la nature plutôt parlementaire du régime politique capverdien n’est pas la seule explication. Lorsqu’on examine la constitution du pays, la volonté de créer un équilibre entre tous les pôles de pouvoir et d’obliger les acteurs à privilégier la collégialité dans la prise de décision est manifeste.

Une des principales institutions du pays est le Conseil de la République. En plus du président de la République, cette institution regroupe le président de l'Assemblée nationale, le Premier ministre, le président de la Cour suprême, le procureur général de la République, le président du Conseil pour les affaires régionales, deux citoyens choisis par le président de la République et deux citoyens élus par l'Assemblée nationale. Même si ses délibérations ne sont pas contraignantes, le président est obligé de réunir cet organe avant de prendre les décisions politiques les plus importantes.

Alors non, ce n’est pas seulement parce que le Cap-Vert est un archipel peu peuplé que sa gouvernance politique est démocratique et apaisée. Il n’est interdit à personne d’aller y chercher quelques sources d’inspiration.

Retrouvez ici l’initiative Élection Cap-Vert 

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