Ça fait débat avec Wathi

Dans un contexte régional troublé, protéger et écouter les populations des zones frontalières

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Gilles Yabi, vous avez récemment organisé une table ronde sur la sécurité dans les espaces frontaliers du Bénin. Ce pays est-il concerné par la dégradation du contexte sécuritaire au Sahel ? 

Gilles Yabi.
Gilles Yabi. Archive de Gilles Yabi
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Oui bien sûr. Le contexte sécuritaire sahélien et ouest-africain est extrêmement préoccupant. Les derniers évènements au Burkina Faso avec des dizaines de gendarmes tués n’ont échappé à personne. Les attaques continuent aussi au Mali et même au Niger souvent présenté comme plus résilient. Le sentiment d’inquiétude est présent partout dans la région.

Depuis des années, on sait aussi que le Sahel dont personne ne définit jamais précisément les frontières, ne saurait être isolé de son voisinage immédiat, notamment les pays côtiers ouest-africains. Si des attaques certes d’ampleur encore limitée ont concerné surtout le nord de la Côte d’Ivoire, des incidents parfois graves ont déjà touché le nord du Bénin, et il y a quelques semaines, le nord du Togo pour la première fois. Il suffit de regarder une carte : si vous avez des groupes armés qui contrôlent des parties du territoire burkinabè qui sont adossées au nord du Bénin, du Togo ou du Ghana, il serait parfaitement inconscient de ne pas se sentir concernés.

C’est pour discuter de l’action publique au Bénin en matière de sécurisation des frontières que nous avons organisé cette table ronde virtuelle avec notre partenaire, le programme de dialogue politique régional de la fondation Konrad Adenauer.

Parmi vos invités, il y avait notamment le directeur général de l’Agence béninoise de gestion intégrée des espaces frontaliers qui a expliqué qu’il fallait bien identifier les frontières, les apprivoiser pour pouvoir ensuite les faire disparaître…

Tout à fait, une formule intéressante qui illustre aussi la tension qu’on ne peut pas nier entre le besoin de sécurisation des frontières, d’identification de ceux qui vont et viennent, et le besoin de faire des zones frontalières des espaces de mobilité, de production et d’échanges commerciaux et des zones où la présence de l’État se manifeste auprès des populations par une offre de services publics.

Dr. Marcel Ayité Baglo, universitaire et docteur en écologie, le directeur général de l’Agence béninoise de gestion intégrée des espaces frontaliers, qui a manifestement conservé une grande indépendance dans sa réflexion, a clairement décrit la réalité économique et sociale difficile que vivent les populations dans les zones frontalières et qui génère un niveau élevé de frustration par rapport à un État perçu comme soit absent soit présent seulement pour les réprimer ou les racketter.

La création de cette agence depuis 2012 illustrait une prise de conscience par les autorités politiques de la nécessité de s’occuper spécifiquement des espaces frontaliers. L’agence qui coordonne les politiques publiques dans les zones frontalières a ainsi construit certes une soixantaine de commissariats de police mais aussi des forages pour répondre au premier besoin exprimé par les populations, l’accès à l’eau.

Cette politique ainsi que les réformes importantes dans le secteur de la sécurité suffiront-elles à protéger le Bénin des menaces voisines ?

Impossible de le savoir pour le moment. Le vice-président du comité chargé du contrôle des missions de sécurisation du territoire national, le général Célestin Guidimey, qui faisait aussi partie de nos invités, a insisté sur la montée en puissance des services béninois et les bénéfices de la réforme qui a consisté à fusionner la police et la gendarmerie pour créer une police républicaine. Cette réforme courageuse, menée au pas de charge, reste controversée mais il est certain qu’une dynamique a été enclenchée pour améliorer les capacités nationales dans le domaine.

Le besoin d’écoute de toutes les voix, y compris celle de la société civile, celle des chercheurs, celle des élus locaux, est aussi ressorti comme un message fort à l’égard des gouvernants. Le Dr Oswald Padonou, à l’origine de la création de l’Association béninoise d’études stratégiques et de sécurité, madame Fatoumatou Batoko-Zossou, présidente de la coalition nationale pour la Paix et Lucie Sessinou, la maire de Kétou, une commune proche de la frontière nigériane, n’ont pas manqué d’apporter des contributions précieuses et nuancées. Au Bénin comme partout ailleurs dans la région, la situation actuelle exige de mobiliser l’intelligence collective de la société et cela commence par le sens de l’écoute.

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► La table ronde virtuelle sur les espaces frontaliers au Bénin sera disponible dans son intégralité sur la page Youtube de Wathi.

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