Afrique: que 2022 soit une année de transformation positive de la colère
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En ce 1er janvier 2022, l'heure est au bilan de l'année écoulée et 2021 fut plutôt difficile en l’Afrique de l’Ouest.

Gilles Yabi : L’année 2021 aura été éprouvante pour des millions de personnes dans notre partie du monde, à la fois pour les raisons anciennes comme le dénuement matériel, l’accès difficile à l’eau, à l’alimentation, aux services de santé et d’éducation, les opportunités économiques très limitées, les conditions de travail extrêmement difficiles pour beaucoup, je pense par exemple à tous les jeunes et les enfants qui travaillent dans les mines artisanales d’or ou qui cassent des pierres dans plusieurs pays de la région.
Elle a été difficile aussi pour des raisons plus récentes, l’extension continue des zones touchées par la violence, l’insécurité et la peur, au Sahel, au Nigeria et dans les zones frontalières de plusieurs pays ouest-africains. Et un plus loin, en Afrique centrale voisine, des pouvoirs qui continuent à battre des records de longévité et qui continuent à neutraliser par tous les moyens toute velléité d’opposition. Plus que jamais, la stabilité politique de plusieurs pays dans cette région est factice et personne ne sait quand et comment le statu quo prendra fin.
RFI : face à ces tendances négatives, vous voulez cependant évoquer en ce début d’année les esprits qui ouvrent des chemins d’avenir par leurs idées et leurs actions, inséparables d’ailleurs selon vous…
En effet. Les mauvaises nouvelles font toujours plus de bruit que les bonnes… Face aux entrepreneurs de la violence, aux profiteurs de l’insécurité, à ceux qui fragilisent tous les jours davantage par leurs combines les institutions politiques, sécuritaires, économiques et sociales et qui ruinent la confiance au sein des populations, il y a une masse de femmes et d’hommes qui œuvrent aussi tous les jours par leurs idées et leurs actions à construire un présent et un futur meilleurs.
Les hommes et les femmes qui ont les capacités d’enclencher des dynamiques vertueuses sont là, dans tous les domaines, mais ils ne sont pas suffisamment mis en lumière, soutenus, ou même simplement écoutés. Nous nous réjouissons à WATHI d’avoir accueilli en 2021 à l’occasion de tables rondes, de tribunes et d’entretiens, plusieurs dizaines de femmes et d’hommes qui ont partagé leurs expériences, leurs savoirs, leurs savoir-faire, leurs passions.
Nous avons donné la parole à des chercheurs dans de nombreux domaines, de la santé à l’agriculture en passant par les sciences sociales. Ils nous rappellent et rappellent surtout à ceux qui gouvernent que la recherche, la boulimie de savoirs et la persévérance dans l’effort sont essentielles comme moteurs des changements.
Nous avons aussi donné la parole à des élus locaux qui décrivent les réalités économiques, sociales, sanitaires, éducatives dans les régions éloignées des capitales. Leurs propos confirment le danger que constitue l’approfondissement des inégalités de chances à la naissance entre les territoires au sein des pays de la région. Nous avons également donné la parole à des dizaines de femmes, de différentes générations qui portent la lutte contre les inégalités de genre avec force et détermination. Cette lutte n’est au fond rien d’autre que la lutte pour la dignité de chaque être humain.
Quel vœu formulez-vous pour l’Afrique en 2022 ?
Qu’elle soit une année de reconquête de la paix et de la sécurité là où elles sont sérieusement compromises et une année pendant laquelle on voit poindre des changements concrets qui donnent des perspectives aux millions de jeunes du continent. Une sourde colère monte au sein de cette jeunesse qui est par ailleurs abreuvée d’informations et surtout de désinformation, de raccourcis et de fausses promesses.
La colère et les frustrations ne peuvent pas produire, seules, des chemins d’avenir. Nous ne pouvons plus nous permettre de nouvelles guerres civiles, de nouveaux coups d’État, de nouvelles crises violentes. Le potentiel transformateur de la colère doit se nourrir de savoirs, d’effort de compréhension des contextes, des rapports de forces, pour produire des actions collectives orientées vers des objectifs réalistes. Faisons-en sorte que 2022 soit une année de transformation positive de la colère en perspectives stimulantes.
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