Ça fait débat avec Wathi

La guerre, les ressources naturelles et les armes: un moment de vérité sur notre monde

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La guerre en cours de la Russie en Ukraine représente un moment de vérité à plusieurs égards sur l’état actuel du monde.

Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi
Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi © Samuelle Banga
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Oui, nous vivons un moment de vérité sur les fondamentaux de la géopolitique qui devient enfin accessible à tout le monde, ou presque, moi compris, dès lors qu’on prend le temps d’écouter des voix de chercheurs, d’observateurs, de praticiens intellectuellement honnêtes qui respectent les faits. 

On n’a jamais autant entendu parler clairement de l’importance vitale des sources d’énergie pour les pays à niveau de revenu élevé. Tout sommet européen sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie est aussi un sommet sur l’approvisionnement en pétrole et en gaz des pays européens. 

Certes, ce n’est point une découverte pour les spécialistes des questions d'énergie, mais dans l’espace public, on parle assez peu et assez mal, des déterminants fondamentaux de la croissance des économies, qui sont aussi les premiers déterminants des politiques étrangères des pays, et des pratiques les plus cyniques des États les plus riches et les plus puissants sur le plan militaire. 

La puissance militaire nourrit la projection dans le monde là où se trouvent les ressources vitales, les matières premières indispensables pour continuer à nourrir la machine économique qui permet aux populations des pays à revenu élevé de maintenir au minimum une vie confortable. Sans gaz, pas de chauffage, et en hiver, ça change radicalement la qualité de vie. 

Vous dites qu’on vit un moment de vérité sur l’impossibilité de la machine économique des pays riches de ralentir sans provoquer une panique générale

Oui, les économies industrialisées ont besoin de se nourrir en continu de gaz, de pétrole, de charbon, de sources d’énergie renouvelables aussi certes, mais ces dernières sont loin, très loin de suffire. J’aime beaucoup la clarté avec laquelle un esprit vif comme Jean-Marc Jancovici, spécialiste français des questions énergétiques et fondateur du think tank, The Shift Project, explique que tous les biens que nous utilisons ne sont que des ressources naturelles transformées par des machines qui ne peuvent fonctionner qu’avec de l’énergie. Sans énergie et sans matières premières, pas de transformation, pas de prospérité. C’est pour cela que le sort du gaz russe est au moins aussi important pour l’Europe que le sort des populations ukrainiennes terrifiées. 

Seules les importations de gaz et de pétrole russe échappent aux sanctions multidimensionnelles et unanimes de l’Europe. Les sanctions contre la Russie ont été prises par une palette d’organisations politiques, économiques, culturelles, sportives, en un temps record. Cela montre à quel point on peut faire les choses avec célérité, une redoutable efficacité, et sans perdre du temps dans des interminables consultations, d’interminables processus administratifs... On se demande si ce ne serait pas possible de montrer la même vigueur pour lutter contre les flux financiers illicites qui accompagnent les trafics transnationaux criminels les plus odieux et qui sont aussi meurtriers qu’une guerre entre États.

Douloureux moment de vérité pour les petits, les faibles, les gentils, dites-vous

Oui, pour les idéalistes aussi, et je crains d’en faire partie. Nous sommes à l’époque de la guerre, celle de la démonstration spectaculaire de la loi du plus fort, celle de Vladimir Poutine, de ses missiles hypersoniques, de son arsenal nucléaire dissuasif. C’est le temps aussi des livraisons d’armes sans compter à l’Ukraine. C’est le temps du réarmement massif de toutes les grandes et les moyennes puissances. Autant dire que c’est un moment de grand bonheur pour l’industrie de la défense, les producteurs et les vendeurs d’armes. Dans ce domaine, Les États-Unis sont toujours loin devant, leurs entreprises exportant 54 % des armes vendues dans le monde, selon les données de 2020 du think tank SIPRI, devant la Chine (13%), le Royaume-Uni, la Russie et la France.  

Les prochaines années seront dangereuses pour tout le monde. En Afrique, l’exigence de travailler à des positions communes sur les questions vitales pour la sécurité et la préservation des chances de progrès économique et social des pays du continent, n’a jamais été aussi évidente. C’est sur ce terrain-là qu’on rêve d’un sursaut de la part de l’Union africaine. 

Liens utiles :

The Shift Project

Stockholm International Peace Research Institute

 

© RFI

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