«Stop, ça suffit»: ne plus tolérer les incitations à l’irresponsabilité dans les systèmes de santé
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Le 25 mai dernier, une nouvelle tragédie s’est produite dans une structure de santé au Sénégal. 11 bébés sont morts dans un incendie survenu dans le service de néonatalogie de l’hôpital de Tivaouane. Le même jour, vous animiez une nouvelle table ronde virtuelle de WATHI sur les systèmes de santé en Afrique de l’Ouest.

Ce nouveau drame en milieu hospitalier au Sénégal a eu lieu quelques heures seulement après notre conversation en ligne sur la nécessité d’institutionnaliser le débat public sur les systèmes de santé dans les pays d’Afrique de l’Ouest. C’était le 5e temps d’une série de rencontres virtuelles que nous organisons depuis l’année dernière sur les systèmes de santé.
Au cours des échanges, il avait beaucoup été question de manque de confiance entre les populations et les personnels de santé. Un point sur lequel a notamment insisté Dr Allama Elmehdi, une jeune médecin généraliste installée en Mauritanie. Elle témoignait du fait que les malades disaient clairement qu’ils venaient voir le ou la médecin « malgré eux », parce qu’ils n'avaient pas les moyens d’aller se faire soigner à l’étranger.
Manque de confiance dans les personnels de santé, manque de confiance dans les structures hospitalières. C’est une réalité partagée par la plupart des pays de la région, même dans un pays comme le Sénégal qui a une solide réputation en matière de formation des médecins venant de nombreux pays africains.
Mais la réaction politique au plus haut niveau après ce drame est plutôt bon signe, dites-vous.
Oui, le président Macky Sall est rentré précipitamment de Malabo où se tenait le sommet de l’Union africaine dont il est président en exercice. Il a limogé le ministre de la Santé, s’est rendu immédiatement à Tivaouane et le conseil des ministres qui a suivi a fait une large part aux annonces de mesures fortes concernant le système de santé. Il a demandé à sa nouvelle ministre de la Santé d’engager la généralisation des processus de management qualité dans les structures sanitaires. Il a aussi annoncé la mise en place à la présidence d’un comité stratégique de suivi des réformes et des processus de transformation du système de santé.
Ce sont des gestes politiques qui indiquent une évolution encourageante dans la perception par les autorités politiques du risque qu’il y aurait à ne pas réagir vigoureusement.
L’urgence et la priorité, c’est de rétablir la confiance entre les populations et les systèmes de santé nationaux, et cela ne passe pas seulement par la construction et l’équipement de nouveaux hôpitaux, dites-vous.
En effet. Au Sénégal comme partout ailleurs dans la région, où l’absence de tragédies spectaculaires cache les morts évitables silencieuses dues aux défaillances des systèmes de santé, la vraie réponse consiste à s’attaquer de manière chirurgicale aux carences les plus évidentes.
Ce qui fait la différence entre un système qui produit des soins de qualité et de la bienveillance et un système qui provoque des drames, des souffrances et du dépit, c’est la formation, c’est la conscience professionnelle et l’éthique du travail de tous ceux qui font partie de la chaîne. Qu’il s’agisse de ceux qui posent des câbles électriques dans des bâtiments publics, ceux qui assurent la maintenance des appareils, ceux qui sont chargés de faire appliquer les procédures de sécurité, de respecter et de faire respecter les horaires de présence.
Il faut bien sûr insister encore et encore sur le besoin de financer davantage la santé. Mais on peut dès aujourd’hui décider de ne plus tolérer le manque de sérieux, les incitations à la médiocrité et à l’irresponsabilité, la culture du laisser-aller et de l’approximation, la recherche à tout instant du petit profit à se faire sur des achats d’équipements ou sur la sélection d’un prestataire de services.
Le docteur Moumouni Kinda, directeur général de l’ONG ALIMA et le docteur Mohamed Lamine Ly, spécialiste de santé publique à la retraite, qui étaient nos deux autres invités, ont convergé sur la nécessité pour les populations de dire « stop, ça suffit ».
La table ronde virtuelle est à retrouver sur la chaîne YouTube
La pétition de WATHI toujours en ligne : Pour des systèmes de santé plus performants en Afrique de l'Ouest !
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