Un besoin d’humanité, de justice et de dignité dans les prisons en Afrique de l’Ouest
Publié le :
Wathi a organisé le mercredi 18 mai 2022 une table ronde virtuelle portant sur la question du respect des droits humains dans les lieux de détention en Afrique de l’Ouest. Pourquoi est-ce important comme sujet maintenant ?

Il est difficile d’attirer l’attention sur des sujets comme celui des conditions de détention dans le contexte d’une actualité politique et sécuritaire toujours très chargée dans la région. Les hommes, les femmes et les enfants qui vivent dans des lieux de privation de liberté intéressent peu de monde au-delà de leurs familles et de leurs proches amis. La réalité est que même pour les personnalités connues, notamment des acteurs politiques ou de la société civile qui se retrouvent poursuivis en justice, l’intérêt des médias n’est vif que jusqu’au moment des procès. Dès lors qu’elles sont condamnées, et même lorsqu’il n’y a pas de doute sur l’iniquité de certaines condamnations dans des contextes de manipulation de la justice, ces personnes tombent dans l’oubli dans leurs prisons. Alors avec le Programme pour la promotion de l’État de droit en Afrique subsaharienne de la fondation Konrad Adenauer, il nous est apparu essentiel de réunir des acteurs et des témoins de la vie quotidienne dans les prisons autour de cette question.
La surpopulation dans les prisons apparaît comme ailleurs dans le monde comme le problème central à l’origine de beaucoup d’autres
Oui, une surpopulation carcérale qui relève à la fois de la tendance à envoyer en prison vite et pour longtemps, de la tendance à garder en détention préventive bien plus longtemps que prévu et donc à détruire parfois la vie de personnes parfaitement innocentes. La surpopulation carcérale renvoie aussi au manque de moyens humains et matériels affectés au fonctionnement des lieux de détention et à l’absence d’investissements pour construire et entretenir des prisons décentes.
Émile Zerbo, procureur du Burkina Faso près le pôle judiciaire spécialisé antiterroriste, un de nos invités, a expliqué qu’au Burkina Faso, le nouveau Code pénal -qui a été adopté en 2018- de manière générale alourdit les peines de prison, au point qu’un simple délit peut être puni de dix ans de prison.
Même constat de la part de Gilles Kokou Fafadji Anani, avocat togolais et représentant du Barreau au sein de la Commission de la mise en place de l’aide juridictionnelle : « La tendance est aujourd’hui à la répression, a-t-il expliqué. Au Togo, le dernier Code pénal voté en 2015 et revu en 2016 est devenu encore plus répressif que le précédent. Il n’existe pas, aux yeux des décideurs et de l’opinion publique, de mesures alternatives crédibles à la détention carcérale… Les détenus sont toujours présumés coupables, même dans le cas des détentions préventives, et font face à des mauvais traitements et des formes de mépris », selon ses mots.
De manière générale, ce sont des conditions indignes et des violations des droits fondamentaux qui sont constatées dans les prisons de la région
Meganne Lorraine Ceday Boho, présidente de la Ligue ivoirienne des droits des femmes, a mis en lumière les problèmes majeurs spécifiques des femmes dans les lieux de détention, « les problèmes de précarité menstruelle, de santé maternelle, de l’accès à la contraception et simplement de l’accès à l’eau ». C’est le droit à la santé qui est violé au quotidien.
C’est également le point sur lequel a insisté le journaliste d’investigation béninois Ignace Sossou qui s’était retrouvé en prison, condamné pour avoir relayé les propos d’un haut fonctionnaire du secteur de la justice au cours d’un atelier. Il a apporté un témoignage concret sur les conditions de vie vécues pendant sa détention à la prison centrale de Cotonou : prise de chloroquine imposée à tous les détenus comme mesure de lutte contre la pandémie de Covid-19, toilettes en nombre très limité partagées par plusieurs dizaines de détenus et qui finissent par déborder…
Des recommandations spécifiques ont été formulées et nous nous chargerons de les faire connaître et d’appeler les organisations de la société civile et les citoyens à réclamer des réformes de la part des décideurs politiques qui oublient trop souvent qu’ils peuvent aussi, lorsque la roue tourne, se retrouver écrasés par des machines carcérales impitoyables qu’ils ont contribué à bâtir et à maintenir en l’état.
► « Les conditions et le respect des droits humains dans les lieux de détention en Afrique de l'Ouest », table ronde virtuelle de WATHI à retrouver en vidéo ici :
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne