Ce qui a changé et ce qui n’a pas changé: la nouvelle alerte de la Coalition citoyenne pour le Sahel
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Un nouveau drame les 11 et 12 juin au Burkina Faso, dans la localité de Seytenga, près de la frontière avec le Niger, a confirmé la situation particulièrement fragile de ce pays qui a besoin, selon Gilles Yabi, d’un plan de sauvetage en urgence.

Le massacre d’au moins 86 civils à Seytenga, dans une séquence effroyable qui a duré quatre jours, a porté un nouveau coup au moral des Burkinabè. Le Burkina Faso était en 2014 le 108e pays le plus touché par le terrorisme, selon l’indice mondial sur le terrorisme (Global Terrorism Index). Il est passé au 52e rang en 2015, au 30e en 2016 et au 6e rang en 2020. L’année dernière, le Burkina Faso était devenu le 4e pays le plus meurtri par le terrorisme dans le monde. C’est une dégradation spectaculaire qui doit appeler aujourd’hui à un plan de sauvetage régional et à une forte solidarité africaine.
C’est dans ce contexte que la Coalition citoyenne pour le Sahel, une alliance de plusieurs dizaines d’organisations de la société civile sahélienne et ouest africaine, soutenue par des ONG internationales, a rendu public le 16 juin son deuxième rapport, avec à nouveau un appel à ce que la priorité soit donnée à la protection des populations civiles
Le rapport intitulé « Sahel : Ce qui a changé » dépeint une situation qui ne s’est pas améliorée pour les populations civiles des pays du Sahel central, Mali, Niger et Burkina Faso. Le rapport nous apprend qu’entre avril 2021 et mars 2022, on a dénombré chaque mois en moyenne 76 attaques contre des civils et 242 morts dans les trois pays du Sahel central. 2 901 civils ont été tués au total au Mali, au Niger et Burkina Faso pendant cette période, en hausse de 18% par rapport à l’année 2020. Les forces de défense et de sécurité de ces pays ont également payé un très lourd tribut avec 1 514 membres tués dans la même période, soit une hausse de 37% par rapport à 2020. Le rapport de la Coalition citoyenne relève aussi que les décès de civils ou suspects non armés attribués à des membres des forces de défense et de sécurité ont chuté de 71% en 2021, avant de repartir nettement à la hausse dans les trois pays depuis début 2022. Sur la période avril 2021-mars 2022, on a tout de même enregistré une baisse de 11% des décès de civils attribués aux forces de défense et de sécurité par rapport à l’année 2020. Une évolution positive plus claire concerne le nombre de civils tués dans des attaques attribuées à des groupes dits d’autodéfense qui a baissé de 49% depuis 2020. Le Niger apparaît comme une exception préoccupante à ce sujet, ayant connu plutôt une augmentation de 185% de décès de civils imputables aux groupes d’auto-défense.
Quelles sont les recommandations de la Coalition citoyenne pour que le prochain rapport soit plus encourageant ?
Je peux citer deux ou trois recommandations concernant la protection des civils. La Coalition demande à ce que les forces de défense et de sécurité intègrent, dès la phase de planification des opérations militaires, des objectifs précis d’impact positif attendu sur les populations civiles. Elle recommande aussi de « sanctionner tout propos ou action tendant à stigmatiser certaines communautés ». La Coalition veut aussi croire encore à la possibilité pour les parlements de jouer leur rôle. Elle recommande la création d’une commission parlementaire dédiée à la protection des civils, en consultation avec la société civile, y compris les organisations dirigées par des femmes, afin d’évaluer les progrès réalisés par les gouvernements. Je n’évoque que le pilier « protection des civils » du rapport mais il y a trois autres piliers assortis d’indicateurs précis qui sont tout aussi importants : la réponse politique en matière de gouvernance et de dialogue avec les groupes armés, la réponse aux urgences humanitaires et la lutte contre l'impunité. Le travail de collecte d’informations et de suivi de cette coalition citoyenne est précieux et il est rendu de plus en plus difficile par les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur la liberté d’expression et de mouvement des acteurs de la société civile et des médias indépendants. Il est pourtant vital pour toute les sociétés ouest-africaines de stopper au plus vite la folle machine de violence qui est en train de détacher encore davantage les capitales quelque peu sécurisées des zones rurales martyrisées.
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Le rapport de la Coalition citoyenne pour le Sahel est disponible ici ►Rapport de suivi
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