Ça fait débat avec Wathi

Zone industrielle et diversification économique au Bénin: des ambitions, des promesses et des défis

Publié le :

Vous avez organisé le 7 juillet une table ronde virtuelle sur la zone industrielle de Glo-Djigbé, du nom d’une localité béninoise située à 45 km de Cotonou. L’occasion de parler de manière générale des zones économiques spéciales, très prisées par beaucoup de pays africains pour tenter d’attirer des investisseurs dans l’industrie.

Gilles Yabi, responsable du think tank Wathi.
Gilles Yabi, responsable du think tank Wathi. © Samuelle Banga
Publicité

Cette table ronde a été l’occasion d’un partage d’informations sur ce projet de zone industrielle dont l’ambition est sans précédent au Bénin en termes de taille, de création d’emplois attendue et d’impulsion économique. Bien que la mise en œuvre soit bien engagée, beaucoup de Béninois se posaient encore la question de la réalité de ce projet dans un pays où beaucoup de maquettes de grands projets sont demeurées à l’état de maquettes.

Le débat en ligne a permis à Laurent Gangbes, le directeur général de l’Agence de promotion des investissements et des exportations du Bénin, de présenter avec beaucoup de précision les données concernant la zone industrielle, les infrastructures critiques mises à la disposition des entreprises qui s’installeront dans la zone, notamment l’énergie, l’eau, la fibre optique pour un internet rapide, les routes permettant de convoyer les matières premières agricoles, coton, noix de cajou, ananas, soja, par exemple, et d’évacuer les produits qui sortiront de la zone vers le port. 

L’atout fondamental d’une zone économique spéciale est, il faut le rappeler, la concentration dans un lieu donné d’infrastructures, de facilités, qui permettent aux entreprises de bénéficier d’un environnement particulièrement favorable pour leur activité. Laurent Gangbes a d’ailleurs expliqué que c’est précisément ce manque d’infrastructures cruciales qui a empêché une expérience antérieure, la zone industrielle de Sémè-Kpodji, d’être un succès, malgré sa proximité géographique avec le Nigeria, son immense marché et son offre potentielle d’investisseurs.

Vous avez cependant rappelé que les zones économiques spéciales ne sont pas une panacée et que les études sur leur effet d’entraînement sur les économies nationales concluent à un impact mitigé.

Tout à fait. Les zones économiques spéciales (ZES) sont très prisées en Afrique comme en Asie et en Amérique latine. On est passé de 3 000 zones économiques spéciales en 2001 à 5400 en 2017 au niveau mondial. En Afrique, le nombre de zones économiques spéciales est passé de 155 en 2006 à 237 en 2020.

Pourtant, lorsqu’on examine les évaluations de ces zones par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le bilan est mitigé. Plus de la moitié des ZES ne réussissent pas à attirer les investissements espérés. Ce qui est plutôt rassurant par rapport au projet de Glo-Djigbé au Bénin, c’est la conscience qui nous a paru claire, de la part de l’agence gouvernementale, des écueils à éviter et des erreurs à ne pas commettre.

Le projet qui est bien avancé suscite clairement beaucoup d’espoir, notamment de la part des jeunes sans emploi stable et rémunérateur.

Oui, nos deux autres invités, Madame Sonon Blanche, qui préside le conseil d’administration de Social Watch Bénin, organisation de la société civile engagée dans le contrôle citoyen de l’action publique et le Dr Jean-Luc Houngbéme, économiste-chercheur, ont tous les deux salué l’ambition incarnée par ce projet. À l’échelle de l’économie béninoise, les perspectives sont intéressantes. 

500 jeunes sont déjà dans les centres de formation aux métiers du textile, pour fournir la main d’œuvre à 29 entreprises attendues dans ce secteur. C’est évidemment peu en comparaison avec les dizaines de milliers de jeunes en recherche d’emplois et de revenus décents et prévisibles, mais c’est un début qui devrait redonner de l’intérêt pour la formation professionnelle, et les besoins de main d’œuvre devraient s’accroître significativement au fil du temps et dans toutes les autres chaînes de valorisation des produits agricoles. 

Il est essentiel de rester vigilant quant au modèle de gouvernance de la zone et au respect des engagements pris autant par l’État que par le partenaire stratégique du projet, le groupe Arise qui pilote de nouvelles zones industrielles au Gabon et au Togo. Il faudra aussi gérer les attentes, rappeler qu’il n’y a pas de recette miraculeuse pour transformer une économie nationale et que les zones économiques spéciales ne peuvent pas se substituer à des politiques publiques destinées à l’ensemble du territoire et des populations d’un pays.

Liens :

La table ronde virtuelle sur la zone industrielle de Glo-Djigbé au Bénin

Guide sur les zones économiques spéciales en Afrique, CNUCED, 2021

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI