Afrique de l’Ouest: entre trains fantômes, trains disparus et lueurs d’espoir
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RFI : Vous nous parlez aujourd’hui du train en Afrique, des trains qui auraient dû circuler et qui ne circulent pas, des trains qui ont circulé dans le passé, mais qui ne circulent plus… Vous revenez notamment sur le projet de boucle ferroviaire entre le Bénin, le Niger, le Burkina Faso.
Oui, tout visiteur attentif qui atterrit à Niamey, au Niger, ne peut manquer de remarquer les rails qui trônent au beau milieu de la grande artère qui va de l’aéroport au centre-ville, des rails abandonnés. Pourtant, le 29 janvier 2016, le président d’alors, Mahamadou Issoufou, procédait à l’inauguration en grande pompe de la voie ferrée reliant Niamey à Dosso, ville du sud-ouest nigérien proche de la frontière avec le Bénin. Cette ligne devait être la première étape d’un projet de boucle ferroviaire destinée à relier Abidjan et Cotonou via Ouagadougou et Niamey. Après l’inauguration, on ne reverra plus jamais le train à l’effigie de Bénirail, filiale du groupe Bolloré créée pour mener ce projet, avec la participation aux capitaux des États du Niger et du Bénin. Le 23 juillet dernier à Niamey, le Ministre d’État du Bénin, Abdoulaye Bio Tchané, et le Premier ministre du Niger, Ouhoumoudou Mahamadou, ont signé officiellement l’acte de décès de ce projet.
Un article fort bien documenté du site Afrique XXI titré « Au Niger et au Bénin, le train fantôme de Bolloré » raconte comment le patron du groupe Bolloré s’était imposé en mettant en avant ses relations privilégiées avec les chefs d’État et la force de frappe financière de son groupe, comment le groupe avait lancé les travaux sans attendre le dénouement des contentieux juridiques, mais aussi comment il avait fait des choix techniques étonnants, comme celui d’un écartement de rail considéré obsolète par les spécialistes.
Au-delà de cet échec récent d’un projet de ligne ferroviaire, vous voulez surtout rappeler à quel point la négligence du rail dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest est un immense gâchis.
En effet, c’est une tragédie. On ne s’est pas contenté de ne pas développer massivement le rail comme l’ont fait beaucoup de pays sur tous les continents, on a laissé dépérir puis mourir les rares lignes existantes. Au Bénin, les moins jeunes ont des souvenirs du train reliant Cotonou à Parakou, ville principale du nord du pays, qui desservait de nombreuses bourgades sur son parcours, favorisant l’établissement des liens commerciaux et humains qui participent de la construction d’une nation. Le projet avorté de boucle ferroviaire devait ressusciter le train Cotonou-Parakou et le prolonger enfin jusqu’à Dosso puis Niamey au Niger. Ce n’est pas pour bientôt.
Le train entre Dakar et Bamako, c’est aussi du passé. La gare ferroviaire de Dakar a certes été réhabilitée pour accueillir le train express régional, le TER moderne, utile pour desservir les banlieues de Dakar, mais qui ne fait que 36 km… Rien à voir avec l’impact potentiel qu’aurait une ligne de train fonctionnelle entre Dakar et Bamako. En 2009, déménageant de Dakar à Bamako, j’avais fait convoyer tous mes bagages, meubles compris, par le train qui roulait encore cahin-caha. Les affaires étaient bien arrivées à Bamako.
Mais il y a un bon exemple, le Nigeria qui réinvestit depuis plus d’une décennie dans des lignes de train.
Oui, Même si les bandes armées du nord-Nigeria qui n’ont peur de rien l’ont attaqué en mars dernier, le train entre Abuja et Kaduna, sur 186,5 km, est d’une incontestable utilité. Une ligne est aussi en construction entre Kano, la métropole du nord du Nigeria, et Maradi, pôle économique du sud du Niger. Au sud du Nigeria, un nouveau train confortable relie depuis juin 2021 Lagos à Ibadan, sur 157 km, en deux heures et demie. D’autres projets sont en cours ou planifiés, et cela est salutaire. Le facteur explicatif le plus puissant de la grave situation sécuritaire, économique et sociale dans plusieurs pays de la région, c’est ce qu’on ne voit pas, ce sont les fantômes, ce qu’on n’a pas construit, ces infrastructures qui auraient pu changer le cours de l’histoire de notre région.
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