Ça fait débat avec Wathi

En 2023, soyons dignes, cohérents, unis et concentrés sur nos priorités

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À quelques heures de la fin de cette année 2022, Gilles Yabi, que retenez-vous des évolutions sur le continent africain et dans le monde ?

Gilles Yabi, responsable du Think-tank Wathi
Gilles Yabi, responsable du Think-tank Wathi © Samuelle Paul
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Je ne vais pas prétendre faire un bilan de cette année en trois minutes. La guerre déclenchée par la Russie en Ukraine le 24 février restera bien sûr l’événement majeur au niveau mondial sur le plan géopolitique. Les conséquences de tous ordres concernent tous les continents.

Les réactions surprises et agacées des puissances occidentales au positionnement variable -mais majoritairement mesurées et prudentes des pays africains- ont révélé à la fois l’importance croissante des choix diplomatiques du continent sur la scène mondiale et le regard de l’Europe et des États-Unis sur le reste du monde. Un regard qui a du mal à intégrer que des pays dont le cours de l’histoire a été déréglé par l’expérience coloniale et la domination postcoloniale, commencent à réclamer le droit à l’affirmation de leurs propres positions sur la scène mondiale.

Ces pays veulent faire comme les grandes et moyennes puissances économiques et militaires de la planète : invoquer des valeurs, défendre des principes, y croire beaucoup lorsque cette posture correspond aussi à la promotion de leurs intérêts, y croire beaucoup moins lorsque leurs intérêts majeurs sont menacés, qu’il s’agisse de leur sécurité ou de la préservation de leur confort matériel. C’est un peu l’ère de la démocratisation du cynisme.

En Afrique, d’autres conflits, d’autres crises continuent à peser sur la vie quotidienne des populations avec des perspectives très incertaines…

En Afrique, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Soudan du Sud, l’Éthiopie, la Libye, le Nigeria, le Mali, le Burkina Faso, sont autant de pays qui ont connu des violences armées significatives en 2022.

L’année qui se termine marque déjà dix ans de crise profonde au Mali, puis dans son voisinage sahélien : le Burkina Faso est probablement aujourd’hui le cas le plus inquiétant. La dégradation profonde et rapide de la situation sécuritaire et politique dans ce pays offre la meilleure illustration de l’inconsistance de l’approche fragmentée de cette partie du continent. Sans amélioration réelle de la sécurité au Mali et au Burkina Faso, la sécurité et la stabilité du Bénin, du Togo, du Ghana et de la Côte d’Ivoire, seront aussi précaires.

De l’ambition collective, de la cohérence et une concentration sur les véritables priorités, c’est ce que vous souhaitez pour le continent africain en 2023

Oui, le décalage est aujourd’hui stupéfiant entre l’image que nombre de dirigeants politiques projettent par leurs décisions et celle qui est donnée du continent par des milliers de femmes et d’hommes qui rayonnent dans leurs domaines d’activité respectifs.

Les événements pendant lesquels on ne parle pas des conflits, des crises, de terrorisme ou des coups d’État ont une dimension thérapeutique pour ceux qui comme moi s’intéressent quand même beaucoup à ce qui ne va pas. Les rencontres avec des entrepreneurs créatifs, audacieux, engagés, dans une grande diversité de secteurs, de l’architecture aux arts culinaires, de la cosmétique aux services éducatifs, font beaucoup de bien au moral.

À côté de ces bâtisseurs exaltés d’une Afrique ambitieuse, il y a ceux qui continuent à nous dérouter...

On est sidéré lorsqu’on apprend, par exemple, qu’une communauté économique régionale, la Cédéao, pour ne pas la nommer, a décidé d’emboîter le pas à l’Union africaine en acceptant de se faire offrir et construire son futur siège par une puissance non africaine, la Chine. Il ne s’agit ni de défiance à l’égard de la Chine en particulier, ni de rejet de tout financement extérieur de programmes des organisations régionales africaines. Mais il faut se fixer quelques limites et accorder de l’importance aux symboles.

Quel étonnant message donné aux jeunes à qui on demande de croire en leur génie, en leur capacité, en leurs talents, alors que les leaders de 15 pays, dont la première puissance économique et démographique du continent, le Nigeria, se réjouissent du financement et de la construction par un pays étranger du siège de l’organisation qui incarne leur ambition collective ?

En 2023, évitons les décisions qui élargissent le gouffre d’incompréhension entre les citoyens et leurs gouvernants. Soyons dignes, cohérents, travailleurs, unis et concentrés sur nos priorités vitales.

Bonne année à vous, à toutes les auditrices et à tous les auditeurs !

► Retrouvez les publications sur www.wathi.org et les enregistrements de tous les événements en ligne de l’année 2022 sur la chaîne Youtube  

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