Au Niger, une dangereuse impasse et un moment de bascule pour l’Afrique de l’Ouest
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Depuis le 26 juillet dernier, le Niger est dans la tourmente. Le président Mohamed Bazoum est toujours séquestré dans sa résidence, dans l’enceinte du palais présidentiel, alors que l’ultimatum donné par la Cédéao aux auteurs du coup de force, les généraux Abdourahmane Tiani et Salifou Modi, arrive à échéance le 6 août. La Cédéao a déjà mis en œuvre des sanctions économiques, commerciales et financières sévères et menace la junte d’une intervention militaire, alors que cette dernière se dit prête à riposter. La situation est inextricable...

Il faut l’admettre : la situation dans laquelle ce coup d’État a plongé la région est extraordinairement délicate. Il n’y a plus que de mauvaises options sur la table, toutes porteuses de risques de conséquences graves pour le Niger et pour toute la région. Personne n’avait envie, après le cas du Mali, de décider à nouveau de sanctions sévères contre un pays de la région.
Mais la Cédéao ne pouvait que prendre des sanctions dures face à une tentative de coup d’État dans un pays qui n’était ni au bord d’un effondrement sécuritaire ni enfoncé dans une crise politique grave. Le Niger a une longue histoire d’irruption de militaires sur la scène politique et d’exercices du pouvoir par des généraux actifs ou retraités, mais les coups d’État les plus récents étaient survenus dans des contextes de crise politique ouverte.
Une palette complète de sanctions à appliquer avec prudence
De la même manière que les sanctions économiques et financières sévères et non ciblées contre le Mali avaient de fortes chances de provoquer un plus grand soutien d’une partie importante des populations au pouvoir militaire, dans un réflexe d’unité nationale, les sanctions contre le Niger, si elles ne sont pas très limitées dans le temps, pourraient être tout autant contre-productives. Je rappelais la semaine dernière sur RFI que le Niger avait les indicateurs socioéconomiques parmi les plus faibles du continent et du monde.
L’organisation régionale a raison de vouloir absolument arrêter la spirale destructrice des coups d’État, mais elle ne peut pas donner le sentiment de ne pas se préoccuper du bien-être immédiat des populations de tous les pays membres. C’est donc si et seulement si les sanctions, accompagnées d’une intense activité diplomatique sur le terrain, peuvent faire plier les généraux de Niamey en quelques semaines qu’elles peuvent se justifier.
Une réunion de planification des chefs d’état-major des pays de la Cédéao
Sur ce point aussi, ceux qui font croire à une farouche envie de la Cédéao de mener une intervention militaire à Niamey, et qui renversent les responsabilités de cette crise en accablant la Cédéao, ne savent pas à quel point ils œuvrent contre les intérêts vitaux de la région. Personne n’a une furieuse envie d’aller faire la guerre à Niamey, d’entrer en confrontation avec des éléments d’une armée dont une brochette de hauts gradés semble bien avoir basculé en faveur du coup de force. Quoi qu’on en pense, c’est aussi un fait qu’une partie significative de la population civile urbaine nigérienne, hostile à la domination du parti du président Mohamed Bazoum et de son prédécesseur Mahamadou Issoufou, croit aux discours des putschistes malgré leurs incohérences.
Les dirigeants des pays de la région ont beaucoup à faire dans leurs pays respectifs. Le président du Nigeria, Bola Tinubu, qui vient de commencer son mandat et n’a même pas fini de composer son gouvernement, a un immense travail à faire au Nigeria sur le plan économique mais aussi sur le plan sécuritaire. Il n’a pas besoin d’une guerre au Niger voisin. La menace de l’intervention militaire de la Cédéao est un des moyens de pression qu’il faut continuer à mobiliser pour trouver un début de solution de sortie de crise, mais cela doit rester une menace. La région est dans un moment de bascule. L’immense gâchis nigérien fait courir à la communauté politique et économique ouest-africaine un risque réel de dislocation, pour de vrai et pour longtemps. Et il ne faut pas se faire d’illusion : cela se fera toujours principalement au détriment des populations ouest-africaines, pas de la France, de l’Union européenne, des États-Unis, de la Russie ou de la Chine.
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