Ça fait débat avec Wathi

Les Brics, l’Afrique et les devoirs de maison

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Le quinzième sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s’est achevé le 24 août à Johannesburg, en Afrique du Sud, avec l’annonce de l’intégration de six nouveaux pays membres, dès janvier 2023. L'Iran, l'Argentine, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis vont rejoindre ce groupe qui représentait déjà (avant ces nouvelles adhésions) près de 30% de l'économie mondiale et 40% de la population de la planète. Ce sommet est-il une confirmation d’un tournant dans la géopolitique et la gouvernance mondiales ?

Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi
Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi © Samuelle Banga
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Oui. La déclaration finale de ce sommet est très intéressante avec des prises de position sur quasiment tous les thèmes cruciaux du moment : le changement climatique, l’énergie, la recherche spatiale, l’éducation, les technologies de l’information et les risques et opportunités qui y sont liés, les systèmes de paiement pour le commerce international, le financement des infrastructures à travers la nouvelle Banque de développement des Brics, etc.  

Au-delà des ambitions évidentes de ne se fixer aucune limite dans les domaines de coopération possible, les leaders des Brics ont passé des messages au reste du monde, en réalité aux pays occidentaux. En substance, ils disent ceci : « Nous réitérons notre engagement en faveur d'un multilatéralisme inclusif et du respect du droit international, nous soutenons le rôle central de l'ONU dans un système international où les États souverains coopèrent pour maintenir la paix, mais nous voulons améliorer la gouvernance mondiale en promouvant un système plus souple, plus efficace, plus représentatif, plus démocratique et plus responsable. Un système qui donne toute leur place aux pays émergents et aux pays en développement d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. » 

Sans surprise, ils soutiennent une réforme du Conseil de sécurité et ils défendent la participation de trois de leurs membres, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, sachant que les deux autres, Russie et Chine, font déjà partie des membres permanents du Conseil. Les Brics estiment par ailleurs que le G20 doit continuer à jouer le rôle de premier forum multilatéral dans le domaine de la coopération économique et financière internationale. Et pour cause : c’est l’Inde qui préside actuellement le G20, et ce sont deux autres membres des Brics qui le présideront jusqu’en 2025, le Brésil et l’Afrique du Sud. Les Brics sont désormais incontournables et c’est d’abord une conséquence logique de la réalité démographique du monde, un sujet que j’ai récemment abordé sur cette antenne. 

Vous estimez que l’Afrique a beaucoup à gagner de la coopération avec le Brics et d’une meilleure représentation du continent en son sein avec l’entrée en janvier prochain de l’Égypte et de l’Éthiopie aux côtés de l’Afrique du Sud.

Oui, ce qui me semble particulièrement intéressant dans l’approche des Brics, c’est l’approche pragmatique qui se traduit par des engagements dans des domaines précis. Dans la déclaration finale, il est question par exemple de poursuivre la coopération dans le domaine de la médecine traditionnelle, mentionné notamment dans le discours du Premier ministre indien. Le texte final consacre aussi une large place à l’éducation et au développement des compétences : facilitation de la reconnaissance mutuelle des qualifications académiques pour assurer la mobilité des professionnels qualifiés, des universitaires et des étudiants, organisation de dialogues sur les politiques d'éducation numérique, partage de ressources éducatives numériques, entre autres. 

Autre domaine important pour les Brics, l’industrialisation et le développement des compétences pour la nouvelle révolution industrielle. Ce sont des sujets essentiels pour les pays africains qui peuvent tirer profit d’une connaissance approfondie des expériences elles-mêmes diverses des pays membres des Brics. 

Mais aucun cadre international ne peut selon vous être considéré comme un substitut aux changements et aux efforts internes qui doivent être entrepris ou accélérés dans les pays africains

Tout à fait et nous ne cesserons pas de le répéter. Nous devons faire notre « homework », comme disent les Anglo-saxons, nos devoirs de maison, pour pouvoir bénéficier des opportunités liées aux différents cadres de partenariat, pour savoir aussi identifier les risques et menaces associés aux différents partenariats. 

N'oublions pas qu’il n’y aurait pas aujourd’hui un Brics influent économiquement et politiquement sur la scène mondiale si des pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil n’avaient pas mis en œuvre avec détermination et sur plusieurs décennies des stratégies de développement et des politiques publiques qui ont fait faire des progrès rapides et significatifs à leurs pays, et amélioré les conditions de vie de leurs populations. Ils ont d’abord fait leur « homework ». 

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