Ça fait débat avec Wathi

Les atouts et les fragilités d’une Côte d’Ivoire à nouveau ambitieuse

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La plus grande compétition sportive en Afrique, la Coupe d’Afrique des nations, commence ce 13 janvier en Côte d’Ivoire avec le match d’ouverture dans un stade flambant neuf de 60 000 places qui sera plein, selon le président du comité d’organisation. L’occasion de parler des impacts économiques attendus par la Côte d’Ivoire et plus généralement de la situation actuelle dans ce pays clé en Afrique de l’Ouest.

Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi
Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi © Samuelle Banga
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La compétition commence dans quelques heures et ce sera à coup sûr une grande et belle fête pour la majorité des Ivoiriens, des résidents étrangers et pour tous les chanceux qui viendront d’ailleurs. Quand on connaît Abidjan et les autres grandes villes de la Côte d’Ivoire, on ne peut pas douter de ce que sera l’ambiance avant, pendant et après les matchs. 

Même pendant les années de rébellion, de crise politique et sécuritaire, les Ivoiriens n’avaient jamais perdu leur humour inimitable et leur détermination à conserver leur joie de vivre et une certaine légèreté. L’humour ivoirien nourrit une créativité culturelle et artistique remarquable. La rébellion, la grippe aviaire, ou même le brossage de dents, absolument tout est prétexte à créer un nouveau rythme, une nouvelle danse irrésistible. On ne compte déjà plus les nouveaux tubes sortis de l’imagination des artistes ivoiriens à l’occasion de cette CAN

Dans le contexte d’incertitudes politiques et sécuritaires dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest et du continent plus largement, dans le contexte d’un raidissement des pays du Sahel et de menaces sur l’intégration régionale, cette CAN placée sous le signe de l’hospitalité sera l’occasion de rappeler que l’Afrique est belle, joyeuse, extraordinaire quand elle célèbre sa diversité, la valorise, quand le sport fait reculer les stéréotypes, les complexes, quand des gens se retrouvent pour passer juste de bons moments de passion, d’excitation et de légèreté.

La réussite de l’organisation de cette compétition, érigée clairement en priorité par le président Alassane Ouattara, c’est aussi la volonté de montrer à l’Afrique et au monde que la Côte d’Ivoire ambitieuse est de retour ?

Tout à fait. L’ambition pour son pays, le fait de croire en la possibilité de le transformer en une terre où il fera bon vivre, c’est un des aspects les plus positifs de l’héritage du père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny. L’impulsion qu’il avait donnée en termes d’investissements dans les infrastructures, de valorisation du travail agricole et de développement d’institutions d’éducation et de formation a produit des effets sur la longue durée. 

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Cette ambition de grandeur pour son pays, dès lors qu’elle ne se traduit pas en excès de confiance, en arrogance et en perte de prise avec la réalité, est un puissant moteur pour le progrès économique et social. On ne peut pas reprocher au président Alassane Ouattara de se distinguer dans ce registre de ses prédécesseurs et de ne pas voir la Côte d’Ivoire en grand. La relance de l’économie ivoirienne par d’importants travaux d’infrastructures a été rapide, une fois la situation sécuritaire stabilisée après le violent conflit post-électoral de 2010-2011. 

La volonté d’accueillir la CAN a servi d’accélérateur et de multiplicateur des investissements. L’État a investi plus de 500 milliards de francs CFA, plus de 760 millions d’euros, dans les infrastructures sportives mais aussi routières. Au-delà des retombées économiques immédiates, le développement du tourisme est un objectif majeur pour les autorités ivoiriennes qui ont l’ambition de faire du pays une des cinq premières destinations africaines. 

La modernisation des pratiques politiques est la marche supplémentaire à franchir pour que la Côte d’Ivoire emprunte une trajectoire de progrès économique et social sur une longue durée.

En Côte d’Ivoire, le décalage entre les compétences techniques et managériales des cadres, la créativité des jeunes entrepreneurs dans tous les secteurs d’une part, et une conception très « houphouétienne » de l’exercice du pouvoir, d’autre part, paraît toujours étonnant. L’hyper-présidentialisme reste la norme. Le nouveau stade olympique, le cinquième pont d’Abidjan, un grand boulevard à Yopougon, l’université de Bouaké, on ne compte plus les infrastructures qui portent le nom du président en exercice jusqu’en 2025 au moins. Président-bâtisseur comme Houphouët-Boigny, il faut espérer qu’Alassane Ouattara ne commettra pas la même erreur que son illustre prédécesseur : ne pas donner le maximum de chances à son pays d’échapper à une crise politique après son départ. Désolé de m’être éloigné de la légèreté qu’exige le temps de la fête. Bonne chance à toutes les équipes et que la fête soit belle partout sur le continent ! 

Pour en savoir plus sur les défis politiques, économiques et sécuritaires de la Côte d’Ivoire, vous pouvez retrouver des publications sur le site Ivoire Politique et des tables rondes sur la page YouTube de Wathi.

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