Sécurité alimentaire au Sahel et en Afrique de l’Ouest: penser et agir au niveau régional
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Wathi a organisé en décembre dernier une table ronde virtuelle sur la question de la sécurité alimentaire au Sahel et en Afrique de l’Ouest, sur le thème « penser et agir au niveau régional ». Un sujet essentiel.

Dans la série de débats sur les pays du Sahel que nous organisons depuis plus d’un an en partenariat avec le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE, nous ne pouvions pas manquer de nous pencher sur la situation alimentaire et nutritionnelle dans la région. Un sujet d'une importance capitale.
Nos quatre invités, Simone Zoundi, cheffe d’entreprise très expérimentée dans l’industrie agroalimentaire au Burkina Faso, Ollo Sib, conseiller au bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du Programme alimentaire mondial, Philipp Heinrigs, économiste au Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest et Abdoulaye Mohamadou, secrétaire exécutif du Comité Permanent Inter-États de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS), nous ont permis d’appréhender la question de la sécurité alimentaire dans sa complexité.
Comment peut-on décrire la situation alimentaire dans la région ?
Dr Abdoulaye Mohamadou qui dirige le CILSS, une organisation née en 1973 alors que la région sahélienne faisait face à une grande sécheresse et à une crise alimentaire, a d’abord présenté les dispositifs régionaux qui permettent de faire un suivi permanent de la sécurité alimentaire.
Il a expliqué que les zones les plus affectées par l’insécurité alimentaire sont essentiellement aujourd'hui celles qui sont affectées par l'insécurité physique, notamment la zone des trois frontières, Mali, Burkina Faso et Niger, mais aussi la région du bassin du lac Tchad. On estime à environ 31 millions le nombre de personnes qui ont besoin d'une assistance immédiate dans toute la région. L’écrasante majorité des personnes qui se trouvaient il y a quelques mois dans la phase dite catastrophique d'insécurité alimentaire, soit quelque 45 200 personnes, étaient dans les régions de la Boucle du Mouhoun et du Sahel au Burkina Faso et dans la région de Ménaka au Mali.
Il faut ajouter aux crises sécuritaires le facteur structurel que représente le changement climatique et qui se traduit par l'irrégularité des pluies, de longues périodes sèches pendant la saison des pluies dans des régions du Burkina Faso, du Niger, du Tchad, et du Nigeria. La situation alimentaire dans les zones des pays du golfe de Guinée est plutôt bonne. Mais elle peut aussi se dégrader notamment à cause de l'inflation liée à la dépréciation des monnaies, à l’instar du Ghana. La disponibilité des produits ne signifie pas qu’ils sont accessibles aux populations dans une région où la pauvreté reste massive.
Vous avez demandé au secrétaire général du CILSS les messages prioritaires à porter aux plus hautes autorités politiques des pays de la région. Que vous a-t-il dit ?
D’abord, comme les autres invités, il a souligné l’impératif de penser et d’agir au niveau régional. Le fait d’avoir un marché régional alimentaire plus intégré et pas une juxtaposition de marchés nationaux, permettrait de tirer profit de la complémentarité entre les pays qui ont des spécialisations agroalimentaires différentes. Cela permettrait de stimuler le commerce, de gérer plus efficacement les variations saisonnières de production dans les différents pays, mais aussi d’encourager une alimentation diversifiée et équilibrée.
Sauf que ce qu’on observe dans la région depuis quelques années, c’est plutôt une tendance au repli sur soi avec la multiplication de décisions d’interdiction ou de restriction des exportations de certains produits agricoles par les gouvernements. La Côte d’Ivoire a interdit il y a quelques jours, le 15 janvier, l’exportation d’une liste de vingt produits vivriers pendant six mois. Le manioc, l’igname, le maïs, le riz, le mil, le sorgho, le fonio, la tomate, le gombo, le piment, et les très réputées bananes plantain et attiéké en font partie. En décembre, c’était le Burkina Faso qui interdisait l’exportation de céréales. Le Bénin, le Mali et d’autres Etats ont aussi pris des décisions de ce type au cours des dernières années.
Les trois autres messages sont tout aussi clairs : la nécessité pour les États de ne pas compter sur les sources extérieures pour le financement du secteur agricole et alimentaire ; l’amélioration de la gouvernance du secteur agricole qui ne semble pas être une priorité, et enfin la nécessité de soutenir les jeunes entrepreneurs qui s'investissent dans l'agriculture, l'élevage, la pêche, mais qui n'ont pas le soutien dont ils devraient bénéficier de la part des États.
Pour aller plus loin
► Sécurité alimentaire au Sahel et en Afrique de l’Ouest : Où en est-on réellement ? , Table ronde virtuelle de WATHI avec le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest,
► Rapport régional sur les crises alimentaires en Afrique de l'Ouest, juin 2023, CILSS,
► Le Réseau de prévention des crises alimentaires (RCPA),
► Le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest,
► Le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel,
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