Sénégal: le temps de gouverner avec méthode, écoute et exemplarité
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Le nouveau Premier ministre Ousmane Sonko a présenté le 7 avril le premier gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye. Une équipe composée de 25 ministres et cinq secrétaires d'État, pour mettre en œuvre le programme de rupture promis aux Sénégalais.

Ce gouvernement est composé de cadres du Pastef, de personnalités politiques ayant déjà occupé des fonctions publiques importantes mais aussi de plusieurs personnalités affichant toutes des expertises et des parcours professionnels pertinents. Des personnalités fortes qui pourraient donner corps à une gouvernance plus collégiale que par le passé, avec il faut l’espérer, une capacité d’écoute réelle de la part du Premier ministre et du président, ce qui est essentiel pour tirer le meilleur de chaque membre du gouvernement.
Je trouve très rassurant le fait d’avoir, aux côtés des têtes pensantes du Pastef, des personnalités apolitiques de grande expérience comme le nouveau ministre des Forces armées, l'ancien chef d’état-major général des armées, le général Birame Diop, qui était jusque-là conseiller militaire du Département des opérations de paix des Nations unies.
Pour entreprendre des réformes audacieuses dans un pays, il faut non seulement savoir ce que l’on veut faire mais surtout savoir avec qui le faire et comment le faire sachant qu’il y aura au moins à court terme des gagnants et des perdants, et donc des obstructions délibérées en plus des contraintes liées à l’inertie de l’appareil étatique, à celle de la société, et aux contraintes induites par les relations internationales.
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Le seul reproche que l’on peut faire à cette équipe, et les Sénégalais et les Sénégalaises surtout ne s’en privent pas, c’est l’absence de signe de rupture en ce qui concerne la place des femmes dans l’exécutif. Quatre femmes sur 30 ministres et secrétaires d’État, moins de 15%, c’est vraiment très peu et cela ne se justifie pas.
Après le temps de l’enthousiasme et de l’excitation et de la célébration de ce tournant politique par la voie démocratique, voici venu le temps du travail.
Oui, il va falloir se mettre au travail et si le nouveau pouvoir à Dakar réussit vite à montrer qu’il est vraiment déterminé à faire de la double exigence du travail et de l’éthique la marque de l’action publique, une dynamique vertueuse collective peut réellement se mettre en place. L’enthousiasme qui s’entend lorsqu’on échange avec des citoyens sans affiliation politique qui croient au potentiel de transformation positive de leur pays est très prometteur. La volonté de servir leur pays d’une partie importante de la diaspora sénégalaise, qui a très massivement voté pour le duo Faye/Sonko, peut être aussi précieuse pour induire des changements rapides dans les manières de travailler dans des secteurs clés.
C’est aussi le moment d’écouter les chercheurs, de ne pas rester enfermé dans des certitudes sur toutes les réformes à entreprendre, de rester ouvert à toutes les idées, de faire preuve à la fois de créativité et de pragmatisme…
Oui, dans un moment comme celui-ci, un think tank citoyen comme Wathi ne peut que rappeler que sur tous les chantiers prioritaires, comme la lutte contre la corruption, la réforme des institutions politiques, le renforcement de l’indépendance et de l’efficacité de la justice, les réformes de l'éducation à tous les niveaux, la création d’emploi, la réduction des inégalités territoriales, sur toutes ces questions, il y a une production intellectuelle existante, il y a des idées qui sont sur la table, il y a des expériences de toutes les régions du monde qui peuvent être des sources d’inspiration.
En prélude à cette élection présidentielle, nous avons réalisé une série d'entretiens avec 20 enseignants-chercheurs de différentes spécialités associées à des universités sénégalaises, à qui nous avons demandé de partager leurs propositions sur les politiques publiques qui devraient être menées au Sénégal au cours des cinq prochaines années. Ces entretiens sont en libre accès.
C’est aussi pour nous le moment d’encourager les nouveaux décideurs à penser de manière systémique, à s’assurer de la cohérence et de la durabilité des réformes qu’ils entendent mener. Sur la lutte contre la corruption par exemple, il ne faudrait pas se focaliser seulement sur des mesures spectaculaires et attendues. Il faudra s’attaquer à l'ensemble des incitations qui induisent et facilitent tous les abus de fonctions publiques à des fins privées dans toutes les institutions. Nous avions formulé dans une de nos publications des pistes d’action dans ce sens il y a quelques années. Des audits organisationnels de toutes les institutions publiques pourraient être un bon début pour identifier de manière précise toutes les sources de vulnérabilité à la corruption et aux gaspillages des ressources publiques.
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