Ça fait débat avec Wathi

De la nécessité de penser des institutions indépendantes dédiées à la construction de la démocratie

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Alors que l'Afrique du Sud se prépare à des élections générales le 29 mai, le pays a vécu un important changement politique en 1994. La Constitution sud-africaine est citée en exemple pour les autres pays africains. Après avoir mis en avant la déclaration des droits, retour sur « les institutions de soutien à la démocratie », qui occupent un chapitre de la Constitution sud-africaine.

Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi
Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi © Samuelle Banga
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Le chapitre 9 de la Constitution sud-africaine est intitulé « State institutions supporting constitutional democracy », « Les institutions de l'État qui sont au service de la démocratie constitutionnelle ». C’est la logique qui guide ce chapitre qui est très intéressante. Il s’agit de prévoir des institutions qui vont incarner les principes constitutionnels, y compris tous ceux qui sont inscrits dans la Déclaration des droits, des institutions qui vont être dédiées à la mise en œuvre de ces principes. Cela permet d’identifier clairement qui est responsable de quoi. Cela permet aussi de montrer que la démocratie et l’État de droit ne se confondent pas mais sont complémentaires et que leur construction progressive exige une architecture institutionnelle complexe. Les élections et la loi de la majorité ne sont pas des conditions suffisantes pour édifier des sociétés démocratiques apaisées, en particulier dans les pays africains caractérisés par une extraordinaire diversité interne. 

Quelles sont ces institutions et en quoi sont-elles si utiles ?

Elles sont citées dans l’article 181 de la Constitution sud-africaine : le Protecteur public, la Commission sud-africaine des droits de l'homme, la Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques, la commission pour l'égalité des sexes, l'auditeur général, la Commission électorale et l’Autorité indépendante de régulation de la radiodiffusion. 

Le Protecteur public a le pouvoir d'enquêter sur toute conduite dans n'importe quelle sphère du gouvernement, qui est soupçonnée d'être inappropriée ou d'entraîner une irrégularité ou un préjudice ; faire rapport sur cette conduite ; et prendre les mesures correctives appropriées. La Commission sud-africaine des droits de l'homme a comme missions de promouvoir le respect des droits de l'homme et une culture des droits de l'homme ; de surveiller et évaluer le respect des droits de l'homme dans la République. Chaque année, elle doit exiger des organes de l'État concernés qu'ils lui fournissent des informations sur les mesures qu'ils ont prises en vue de la réalisation des droits énoncés dans la Déclaration des droits.

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Les missions de la Commission pour l'égalité des sexes sont aussi explicites : promouvoir le respect de l'égalité des sexes et la protection, le développement et la réalisation de l'égalité des sexes. L’auditeur général, équivalent d’une Cour des comptes dans la plupart des pays francophones, a pour mission de vérifier les états financiers et la gestion financière de l'État. À l’instar de l’auditeur général, ou du Protecteur public dont le mandat est proche de celui d’un médiateur de la République, certaines de ces institutions sud-africaines ont des équivalents dans beaucoup d’autres pays africains. Mais c’est la clarté des principes et des dispositions prévus pour assurer l’indépendance de ces institutions qui fait la différence. 

L’article 181 précise que ces institutions sont indépendantes et ne sont soumises qu'à la Constitution et à la loi et qu’aucune personne, ni aucun organe de l'État, ne peut interférer avec leur fonctionnement. Elles sont responsables devant l'Assemblée nationale et doivent rendre compte de leurs activités et de l'exercice de leurs fonctions à cette Assemblée au moins une fois par an. 

Le chapitre 10 de la Constitution sud-africaine porte sur l’administration publique et vous trouvez qu’il y a là aussi non pas des recettes mais au minimum une source d’inspiration pour les pays ouest-africains où la politisation de l’administration est un fléau majeur.

Tout à fait. On a dans ce chapitre non seulement une déclinaison des valeurs et des principes fondamentaux devant régir l'administration publique mais aussi des dispositions précises pour que ces principes aient des chances d’être respectés. Une Commission de la fonction publique qui doit être indépendante et impartiale, est responsable devant l'Assemblée nationale et doit faire rapport au moins une fois par an. 

Beaucoup diront que nous avons déjà dans nos pays trop d’institutions et inutiles et qu’il faudrait supprimer des institutions plutôt que d’en rajouter. Sauf qu’il ne s’agit pas d’avoir plus ou moins d’institutions. Il s’agit de penser les institutions publiques dont un pays a besoin pour s’acquitter de missions précises, des institutions incarnées par des personnalités qui ont l’obligation constitutionnelle de rendre des comptes sur leur action et des institutions dont on détaille les modes opératoires dans la loi fondamentale, que chacun peut lire et comprendre.

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