Chronique des médias

La «sextape» et les réseaux sociaux

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Benjamin Griveaux a renoncé à porter la candidature d’En Marche à la mairie de Paris après la diffusion d’une vidéo à caractère sexuel sur les réseaux sociaux.

Benjamin Griveaux lors de l'annonce du retrait de sa candidature à la mairie de Paris, le 14 février 2020.
Benjamin Griveaux lors de l'annonce du retrait de sa candidature à la mairie de Paris, le 14 février 2020. AFP/Lionel Bonvanture
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Un candidat du pouvoir à une élection dans une capitale, une sextape qui le fait trébucher… Non, vous n’êtes pas dans une série télé, mais dans la realpolitik à l’heure des réseaux sociaux. Un univers où les hommes politiques français sont, comme aux États-Unis, à la merci de vidéos compromettantes sur leur vie intime. Car, contrairement à l’accusation de viol qui a touché Dominique Strauss-Kahn en 2011, il n’est nullement question ici d’information avant que Benjamin Griveaux ne renonce à sa candidature. C’est une boule puante comme il y en a tant, comme il y en a toujours eu en politique. Ce qui est inédit, c’est qu’elle finisse par exploser à la figure de l’intéressé. Et qu’on se rende compte, sidérés, qu’elle a fini par abattre un homme qu’on imagine rompu à toutes les basses manœuvres de ses adversaires.

Alors que s’est-il passé ? Bien sûr, il faut parler du rôle trouble du russe Piotr Pavlenski qui assume d’avoir exhibé sur un site porno, cette vidéo de masturbation au nom d’un supposé « paradoxe » entre la vie privée du candidat et son exaltation des valeurs familiales. Il affirme d’ailleurs qu’il a d’autres images. Mediapart, le site vers lequel s’est d’abord tourné celui qui se présente comme un artiste, a très bien expliqué pourquoi il avait refusé de se prêter à cette manipulation. « L’adultère, s’il est avéré est légal » : il « relève d’un principe sacré : le respect absolu de la vie privée ». D’autant que Griveaux ne se pare pas de vertu religieuse et ne milite pas pour l’interdiction de l’adultère. Même si, comme d’autres, il se prête à la mise en scène sur son couple dans Paris Match.

Médiapart sait ce qui sépare l’information d’intérêt public de la violation de la vie privée. Dans le cas de la vengeance pornographique, c’est même une infraction pénale punie par deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende. Et cela concerne aussi bien ceux qui diffusent les images que ceux qui les republient sur les réseaux sociaux, par exemple le député ex-En Marche, Joachim Son-Forget ou Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo.

Benjamin Griveaux a subi au fond ce que vivent des milliers d’adolescentes cyberharcelées. L’année dernière, on compte encore plus de 2 800 plaintes pour la diffusion d’images sexuelles, soit une hausse de 11% en un an. Twitter, qui faisait encore circuler vendredi matin la vidéo porno attribuée à Griveaux, se retranche derrière une modération a posteriori refusant toute « nudité non consensuelle ». Mais les réseaux sociaux ne peuvent s’affranchir de leurs responsabilités sur le danger qu’ils font courir à la démocratie et au vivre ensemble.

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