La semaine de

Manu Dibango s’en est allé, victime «d’une terrible injustice»

Publié le :

Le saxophoniste Manu Dibango a tiré sa révérence, laissant derrière lui beaucoup de tristesse chez ses fans en Afrique, mais aussi en France et de par le monde. 

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. (Photo : Claudia Mimifir)
Publicité

Manu Dibango s’en est allé, et toute l’Afrique le pleure. La France aussi le pleure, et de nombreux fans, de par le monde, le pleurent également. Pourquoi dites-vous alors qu’il est victime d’une terrible injustice ? De la part de qui donc ?

Manu Dibango nous quitte au pire moment qui soit pour une star de sa dimension. C’est une terrible injustice, en effet. Et s’il fallait un coupable, nous ne pouvons qu’indexer le sort. Car, mourir en ce moment précis, avec ce que cela suppose d’obsèques restrictives, c’est ce qui pouvait arriver de pire à une célébrité de sa trempe, adulée à l’échelle du globe. Des dizaines de milliers d’admirateurs l’auraient, volontiers, accompagné à sa dernière demeure. Pour l’Afrique, le décès de Manu Dibango est un peu comme si Satchmo, Miles Davis et Ray Charles étaient tous partis, le même jour.

Dans les hommages qui lui sont rendus, notamment sur les réseaux sociaux, l’on est impressionné par la multitude de privilégiés qui exhibent fièrement des photos dans lesquelles on les voit aux côtés d’un Manu, sourire aux lèvres. Ils sont sans doute des centaines de milliers, sinon des millions à posséder, ainsi, chacun, son petit moment d’immortalité avec le saxophoniste.

Au-delà de l’immensité de son talent, Manu Dibango était d’une grande noblesse de sentiments, et se prêtait toujours de bonne grâce aux sollicitations d’admirateurs pour qui, prendre une pose avec lui, était une marque de considération.

On dit que la générosité de Manu Dibango allait bien au-delà des photos, de sa gentillesse et de son sourire.

Cette icône se sentait un réel devoir de soutien vis-à-vis de tous ceux qui prenaient une initiative propre à grandir l’Afrique. Ceux qu’il aidait n’avaient pas à être de son clan, de son ethnie ou de son pays. Africains, simplement, pour lui, c’était suffisant. Et il était de très bon conseil.

Dans son métier, il a encadré des centaines de musiciens, arrangé davantage encore de titres. Il a aussi révélé, entre autres artistes de la chanson, quelques vraies vedettes. Et sa plus grande fierté, incontestablement, est la Togolaise Bella Bellow, star disparue en 1975, hélas ! Elle avait tout juste 28 ans, mais chacune de ses œuvres reste un chef d’œuvre, à jamais.

« Quand Louis Armstrong chantait, j’étais bien ! Je ne comprenais pas tout ce qu’il disait, mais les vibrations humaines passaient. Tel était le cas avec Bella Bellow ! Elle avait une très belle voix, de très belles mélodies, et ses sentiments transpiraient à travers sa voix et ses mélodies ». Ainsi parlait Manu Dibango, évoquant le talent de sa protégée.

Il était, en outre, un panafricaniste, un vrai ! Panafricaniste du concret, de l’action, Manu a, dans les années soixante et soixante-dix, dispensé sa science au Congo Léopoldville (actuelle RDC), puis en Côte d’Ivoire, où il a créé l’Orchestre de la RTI (la Télévision nationale), contribuant à démocratiser la vocation d’artiste de la chanson, jusque-là le privilège d’une poignée de vedettes.

Autant dire que ses obsèques manqueront à l’Afrique !

Cruellement ! Manu repose, selon sa volonté, à côté de Coco, la femme de sa vie, au cimetière parisien du Père Lachaise. Même si beaucoup auraient aimé le voir porté en terre dans cette luxuriante terre d’Afrique centrale qui l’a vu naître. Signe du destin, il est arrivé en France par bateau, à une époque où l’on ne rapatriait pas les restes des disparus. Qu’à cela ne tienne ! Son peuple le pleure. Et un peuple qui a donné à l’Afrique un Manu Dibango, un Francis Bebey et tant d’autres, est forcément un très grand peuple, qui saura honorer sa mémoire, comme il se doit.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI