En Afrique du Sud, une série tournée par des acteurs confinés
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Ayanda Makayi joue dans plusieurs « soap-operas » sud-africains. Pour éviter que tout ne s’arrête pendant le confinement, il a décidé de créer Lockdown Heights, une série diffusée sur les réseaux sociaux et dont le script est filmé par chaque acteur resté à la maison.

Le froid de l’hiver austral s’engouffre dans le hall d’Ayanda Makayi. « Bienvenue dans l’antre de Lockdown Heights. Voici mon “magnifique” studio », dit-il. Des cartons sont empilés dans l’entrée alors que le jeune acteur de 27 ans prépare un déménagement. Mais il n’a pas besoin de grand-chose pour travailler : un simple ordinateur et son téléphone suffisent pour tourner sa série Lockdown Heights...
« Ici, c’est mon éclairage d’appoint, que j’utilise pour tourner des scènes. Et ça, c’est ce que j’appelle mon “think tank”, c’est le groupe WhatsApp où l’on discute des différents personnages avec l’équipe… » Son téléphone l’interrompt, le temps d’une alerte émise par le groupe. « Et les scénaristes écrivent à partir de là les dialogues », reprend-t-il.
« Les télénovelas et les soap-operas sont vraiment ancrés dans nos traditions »
Le script est envoyé à chaque acteur, qui se filme chez lui, avec les moyens du bord. Le tout est ensuite monté, et mis en ligne sur Instagram, pour retracer la vie d’habitants confinés au sein d’un même bloc d’appartements. On y suit leur façon de vivre avec l’épidémie, leurs tourments amoureux, leurs joies et leurs frustrations. Un vrai soap-opera, dont les Sud-Africains sont de grands amateurs.
« Les telenovelas et les soap-operas sont vraiment ancrés dans nos traditions. Quand j’étais petit, je savais qu’à partir de 20h, on allait tous s’asseoir ensemble, en famille et dîner en en regardant à la télé, c’est vraiment toute une culture. Et puis pour les téléspectateurs, ça leur montre qu’ils ne sont pas seuls à vivre toutes ces difficultés », déclare-t-il.
Mais avec le confinement mis en place, il fallait trouver une solution pour la continuité de ces séries. « Quand le président Cyril Ramaphosa a annoncé la mise en place d’un confinement national, je me suis demandé ce qu’allaient devenir ces telenovelas, lorsque leur contenu serait épuisé. Car au niveau 5 d’alerte sanitaire, il y avait beaucoup de restrictions, on ne pouvait pas bouger. On ne pouvait donc pas se rendre en studio, et tourner des épisodes, les acteurs ne pouvaient pas être proches les uns des autres. Donc il fallait que l’on trouve une solution, et on a essayé d’innover en demandant aux acteurs de tourner seuls, chez eux », raconte Ayanda Makayi.
Les difficultés engendrées par la crise sanitaire et économique
Tout en serrant dans ses mains une tasse de chocolat chaud, Ayanda détaille comment il s’est lui-même fait connaître en Afrique du Sud, par ses rôles dans différentes séries populaires. Mais ces derniers temps, la crise sanitaire et économique rend les choses difficiles pour les acteurs.
« Le secteur est assez fermé en ce moment. Il devrait y avoir moins de travail, car il ne peut avoir qu’un nombre limité de gens en studio. On fait des auditions depuis chez nous, mais il y a beaucoup de difficultés économiques : d’habitude les diffuseurs gagnent de l’argent grâce à la publicité, mais les entreprises essaient désormais de réduire leurs dépenses. En même temps, c’est aussi excitant d’essayer de trouver des façons innovantes de fonctionner, pour continuer », nous confie Ayanda Makayi.
« De nouvelles formes de narration »
Les acteurs et l’équipe travaillent sur Lockdown Heights bénévolement. Pour Ayanda, c’était une façon d’occuper le temps pendant le confinement, de rester créatif, et de se faire remarquer avec de nouvelles idées...
« C’est une nouvelle expérience pour les acteurs d’essayer de jouer complètement seul. D’habitude, sur le plateau, il y a des gens qui s’occupent de la lumière, du son, on a juste à se concentrer sur notre performance. Mais maintenant on doit se préoccuper de tout ça en même temps, c’est un gros défi. Et avec ce format on raconte des histoires qui durent entre 8 et 15 minutes, donc ça nous pousse à trouver des moyens pour arriver plus vite au cœur du récit et aux moments croustillants », dit-il, avant d’ajouter : « C’est vraiment une très bonne expérience d’essayer de trouver de nouvelles formes de narration. Ma vie a définitivement changé depuis le début de l’épidémie. Je me concentre plus sur mes envies, et avec toute cette aventure, j’ai gagné plus de confiance en mes capacités. »
Déjà trois saisons ont été mises en ligne, et une réalisatrice sud-africaine devrait bientôt rejoindre l’équipe pour continuer à développer la série.
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