Smaïl Chergui de l'UA: «Les coups d'État doivent être bannis d'Afrique»
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« Nous condamnons et appelons à des sanctions », c'est ainsi que l'Union africaine réagit au coup d'État militaire qui vient d'avoir lieu au Mali. Surtout, l'Union africaine lance un appel pressant pour la libération du président déchu Ibrahim Boubacar Keita et des membres de son gouvernement. L'Algérien Smaïl Chergui est le commissaire Paix et Sécurité de l'UA. En toute urgence, il vient de réunir le Conseil Paix et Sécurité de l'organisation panafricaine.

RFI : Quelle est votre réaction au coup d’État de Bamako de ce mardi 18 août ?
Smaïl Chergui : Évidemment, ma réaction, c’est celle du président de la Commission [de l’Union africaine], mais surtout celle du Conseil de paix et sécurité [de l’Union africaine], donc une condamnation claire et nette et une imposition de sanctions contre le Mali conformément à la doctrine de l’Union africaine en la matière.
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Les auteurs du coup d’État affirment qu’ils ont été obligés de prendre leurs responsabilités devant le peuple, car le Mali sombrait de jour en jour dans « le chaos, l’anarchie et l’insécurité »...
Oui. Évidemment, on peut avancer tout argument ou toute argutie qu’on veut. L’essentiel, c’est que la situation a été difficile, qu’il y avait des glissements dangereux. Mais je pense que le dialogue n’a jamais été rompu entre ceux qui sont descendus dans la rue et le gouvernement. Et je pense qu’avec un peu de patience et de responsabilité, on aurait pu trouver une issue pacifique dans le respect des institutions et de la Constitution du pays. Donc, les coups d’État doivent être bannis de l’Afrique.
Mais au vu des manifestations pro-putschistes depuis ce mardi dans Bamako, le coup d’État semble être populaire…
Oui. Évidemment, on peut faire des lectures différentes. Mais pour nous, ce qui importe, c’est toujours agir dans le cadre de l’ordre constitutionnel. Il y avait un certain nombre d’actions qui avaient été déjà prises ces derniers temps, que ce soit la nomination de nouveaux membres du Conseil constitutionnel, l’offre qui était faite de former un gouvernement d’union nationale. Je crois que c’était quand même des pistes sur lesquelles on pouvait construire. On pouvait faire un peu plus. Mais vous voyez bien que, si dans n’importe quel pays demain, quand les voies du dialogue se trouvent momentanément bloquées, les gens de l’armée descendent et prennent le pouvoir, où va-t-on arriver comme ça ? Plus encore, le Conseil de paix et de sécurité [de l’Union africaine] a exigé que le président Ibrahim Boubacar Keïta et les membres du gouvernement arrêtés soient libérés dans les plus brefs délais, entre autres parce que, évidemment, il y a des conditions de santé. Et les conditions dans lesquelles ils sont retenus, d’après le rapport que nous avons obtenu, ne sont pas acceptables.
Avez-vous le sentiment de revivre le scénario du putsch de 2012 et ce bras de fer pendant plusieurs mois entre les putschistes, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine, ou pensez-vous que cela peut être un peu différent aujourd’hui ?
Dans le déroulement des faits, malheureusement, c’est vraiment une répétition de ce qui s’est passé en 2012. Que ce soit là où a commencé le mouvement des militaires…
Le camp militaire de Kati…
Absolument. Ensuite, l’emprisonnement du président dans ce même camp et le fait que, avant même qu’il ne parte, on lui demande aussi de dissoudre l’Assemblée, ce qui évidemment ne laisse aucune possibilité de continuer dans l’ordre constitutionnel. C’est pour créer une même situation de vide pour forcer une transition.
Le colonel-major Ismaël Wagué, le porte-parole du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), c’est-à-dire des militaires actuellement au pouvoir, annonce une « transition politique civile » qui conduira à des « élections générales crédibles »…
C’est tout cela qu’il faudra dérouler dans les prochains jours pour voir comment. Mais moi, je pense que le premier geste, c’est de libérer le président Ibrahim Boubacar Keïta et son gouvernement et d’engager le dialogue en association avec la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest] et nous-mêmes, et évidemment les Nations unies qui ont aussi une forte présence là-bas, et les partenaires internationaux importants du Mali, et trouver une voie pour que ce pays revienne rapidement à l’ordre constitutionnel, et j’espère que ce message soit entendu et qu’effectivement, s’il y a une transition, il faut qu’elle soit évidemment inclusive pour éviter que ça se répète, et cette fois-ci, nous tous l’Union africaine, la Cédéao, les Nations unies et tous les partenaires , il y a une fatigue certaine de la répétition de ce genre de développement.
Donc, il y a peut-être une chance pour que, les jours à venir, cela ne tourne pas au bras de fer comme en 2012, mais qu’il y ait un dialogue avec les autorités de fait de Bamako ?
S’ils commencent déjà à écouter l’appel du Conseil de paix et de sécurité [de l’Union africaine], de la Cédéao et des Nations unies, qu’ils libèrent ces personnalités qui sont aux arrêts et qu’ils font preuve de respect des droits de l’homme et qu’on puisse réellement enclencher la discussion et le débat pour voir comment gérer les effets de cette crise.
Des élections générales et crédibles avant la fin de l’année, cela serait une des solutions de sortie de crise ?
Absolument. Si évidemment, les conditions sont préparées. J’ai parlé d’inclusivité, mais il faut aussi réellement faire en sorte que ce qui s’est passé lors des dernières élections législatives, qui sont un des points qui a amené ce mouvement dans la rue, ne se répète plus. Il faut des élections libres, transparentes, acceptables par tout le monde, et c’est comme ça que nous pouvons faire de la prévention.
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