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Tunisie: les blessés de la révolution toujours en quête de reconnaissance

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La mort cette année d’un blessé de la révolution tunisienne à cause d’un mauvais traitement de ses blessures a ravivé le débat. Les blessés et les martyrs de la révolution n’ont pas toujours pas de reconnaissance officielle ni de liste qui les répertorie. Ce problème très politique a été le sujet de nombreuses controverses depuis le soulèvement de 2011.

Depuis 2011, les familles des victimes de la révolution demandent une reconnaissance officielle des blessés et des martyrs. Ici, lors d'une manifestation à Tunis, en 2014.
Depuis 2011, les familles des victimes de la révolution demandent une reconnaissance officielle des blessés et des martyrs. Ici, lors d'une manifestation à Tunis, en 2014. AFP/Fethi Belaid
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À El Fahs, une ville du nord de la Tunisie, les cris révoltés de la mère de Tarek Dziri, blessé de la révolution mort le 18 janvier, résonnent dans la maison endeuillée. En fauteuil roulant depuis la révolution, Tarek avait des blessures graves qui nécessitaient un traitement quotidien, mais il n’avait pas les moyens de l’assumer. L’un de ses amis raconte comment il a été négligé jusque dans ses derniers jours.

« Il n’a rien demandé, juste une ambulance, car l’état de ses blessures empirait. Mais personne n’est venu, se souvient-il. Cette infection est due à de la négligence de la part de tous et aussi de la part du gouvernement qui ne lui envoyait plus ses aides pour ses médicaments, depuis six mois. »

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Makram, le frère de Tarek, se rappelle encore comment Tarek était sorti pour manifester en janvier 2011 et avait reçu deux balles. « Je me souviens pendant la révolution, 30 minutes avant qu’il ne sorte dans la rue et qu’il ne se fasse tirer dessus, mon frère me dit, “Makram, fait attention, il y a des militaires partout autour de la maison“. »

Un sujet polémique et politique

Le cas tragique de Tarek, mort d’une septicémie, révèle les défaillances de l’État tunisien dans le suivi des familles de blessés et de martyrs de la révolution. Aujourd’hui, le sujet est très polémique, car il n’y a toujours pas de liste nominative publiée au Journal officiel et les plaintes et les procès s’enchaînent depuis 2011 autour de cette question.

Taoufik Bouderbala, président du comité des droits de l’homme, a travaillé sur le sujet depuis 2012. Il dénonce une mauvaise gestion de l’État. « L’incurie de l’État, le manque de volonté, ils s’occupent tous de politiques, de tiraillements, d’être ministres », énumère-t-il.

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Son comité avait finalement publié une liste en octobre 2019, où 129 personnes sont considérées comme des martyrs et 634 des blessés, des chiffres bien éloignés du premier bilan établi après la révolution où certains avaient obtenu des dédommagements et d’autres non.

L’espoir des familles sur les épaules du président Kaïs Saïed

Pour Donia Ben Osman, avocate de certaines familles, la liste définitive pose toujours problème pour les politiques. « Il y a des gens qui estiment qu’ils auraient dû figurer sur cette liste-là, ils ne figurent pas sur cette liste. Donc la liste n’est pas complète et ils ont, je pense, peur de la promulguer, parce qu’en la promulguant, il risque d’y avoir pas mal de mauvais retours. »

Aujourd’hui, à l’approche du 10e anniversaire de la révolution tunisienne, l’espoir des familles repose sur le président de la République, Kaïs Saïed. Il avait promis depuis sa campagne présidentielle de rendre hommage à ceux qui avaient fait la révolution et de répondre à leurs revendications.

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