La semaine de

Spectacles de perpétuelle destruction

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Pourquoi donc, au lieu de servir à bâtir le futur des nations, les alliances entre partis et personnalités politiques, dans notre Afrique, se nouent-elles si souvent pour détruire des adversaires qui, hier, étaient des alliés, et le redeviendront, demain, pour servir à détruire d'autres adversaires, eux-mêmes d'anciens amis ? 

Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020.
Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020. Pierre René-Worms
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« En Côte d’Ivoire, tous les politiciens sont des plaisantins ! » Ainsi s’exprimait, en début de semaine au micro des envoyés spéciaux de RFI, un Ivoirien plutôt en colère. Que peut donc revêtir un jugement aussi définitif ? Et quelles raisons pousse un citoyen à une telle sévérité, englobant toute la classe politique ?

Ce peut n'être là qu’un cri du cœur. Que pourraient, du reste, aisément reprendre à leur compte, nombre de citoyens d’autres Etats, notamment dans cette Afrique francophone qui concentre tant d’excès déconcertants, propres, justement, à déclencher de telles réactions. Au sens premier du terme, il faisait sans doute allusion à un manque de sérieux des politiciens qu’il indexe. On le sent désabusé, face à la propension des dirigeants politiques à violer leurs engagements, une fois au pouvoir, et à ajuster les règles du jeu démocratique à leurs humeurs, pour n'être jamais contrariés. A sans cesse tout ramener à leurs intérêts du moment, les politiciens peuvent, en effet, agacer à un tel point.

A un moment ou à un autre de l’histoire plutôt turbulente de la Côte d’Ivoire, tous ceux qui, d’Abidjan à Bruxelles, s’opposent ou s’allient aujourd’hui, se sont retrouvés dans des coalitions, les uns contre les autres, les uns avec les autres… Et que de camps, que de clans se sont constitués ou affrontés, ces trente dernières années pour, finalement, ruiner le destin de cette terre d’espérance, que Félix Houphouët-Boigny aimait présenter comme la vitrine de ce que la coopération avec France pouvait offrir de mieux en Afrique !

Quels sont donc ces camps et ces clans ?

L’on a connu Soro, étudiant, sous l’influence d’un mentor nommé Gbagbo, menant la vie dure à Bédié, président. Gbagbo et Ouattara se sont ensuite alliés pour combattre Bédié, au pouvoir. Ouattara s’est farouchement opposé à Gbagbo, président. Ouattara et Soro, se sont unis dans une rébellion, pour déstabiliser le pouvoir de Gbagbo, la Côte d'Ivoire avec. Ouattara et Soro ont livré, ensemble,  une guerre, une vraie, à Gbagbo. Ouattara, Bédié et Soro ont tenu le siège, face à Gbagbo, qu’ils finiront par déloger de la présidence de la République. Ouattara, président enfin, s’est allié à Bédié, et l’a même canonisé, en le distinguant comme le « Nyerere ivoirien », et ce n’est pas rien ! Ensemble, Ouattara, Bédié et Soro, Premier ministre, s’entendront pour envoyer Gbagbo à la CPI. Où certains, parmi eux, n’auraient pas fait pâle figure dans le box des accusés, aux dires de plus d’un. Et, dix ans plus tard, nous retrouvons à l’affiche Bédié, Gbagbo, Soro, Afi Nguessan, les héritiers de Robert Guéi, les familles parentes et alliés, unis, contre Ouattara, que tous prétendaient bien connaître. Et pourtant, ils se laissent encore prendre, et même enfermer à double tour, à domicile.  

Faut-il en conclure qu’ils sont vraiment des plaisantins ?

Si ce n’est une plaisanterie, c’est, à tout le moins, une petite comédie. Et l’on en rirait, presque, si, derrière ce spectacle affligeant, ne se jouait la détresse d’un peuple, qui s’imaginait premier de la classe, et se découvre pas si différent des cancres, en train de quémander une bouée de sauvetage d’une communauté internationale embarrassée qui, dans sa proverbiale hypocrisie, appelle au dialogue, exhorte, de manière impersonnelle à la modération. Dans ce mauvais spectacle, l’on cherche désespérément les bons. Il suffit, parfois, de passer la frontière, pour retrouver, vivant un cauchemar identique, avec de tout aussi mauvais scenarii, un autre peuple, d’autres politiciens ! Ici ou là, il faut craindre que, n’en pouvant plus, les spectateurs, un jour prochain, entrent en scène, pour exiger d’être remboursés.

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