Sénégal: les meuniers de Dakar font la grève de la farine

À Dakar et depuis vendredi soir, les sept entreprises de minoterie ont décidé de suspendre leurs livraisons de farine. Elles réclament le versement de la prime compensatoire que l’État tarde à payer. Une situation intenable qui oblige les professionnels du secteur à creuser dans leurs trésoreries. Le Sénégal, comme d’autres pays du continent, subit la hausse des cours des céréales, due en partie par la guerre entre la Russie et l'Ukraine et d'où provient 60% du blé consommé au Sénégal.

Des camions viennent pour transporter la farine vers les clients des Grands Moulins de Dakar, le 3 juin 2022. © RFI/Charlotte Cosset

« En fait ce tapis-là, c’est le tapis qui transporte le blé depuis le port. Là-bas, nous avons six magasins d’une capacité de 45 000 tonnes de blé. Donc on fait venir ce blé ici. On écrase environ 1 300 tonnes de blé par jour » Les Grands Moulins de Dakar, une minoterie historique de la capitale. Des machines assourdissantes écrasent le blé qui descend dans de gros tuyaux transparents. Ici sont produits de la farine de blé ainsi que des aliments pour le bétail, en grande partie composés du son de cette céréale.

« À un certain moment, on vendait à perte, mais on le faisait pour satisfaire la demande parce qu’il y a des gens qui ont déjà du mal. Nous, on était obligé de continuer à produire. Si on continue comme ça, on va bientôt fermer la boutique », explique Gana Diouf qui s’occupe de ce département.

« Ici c’est le magasin farine, vous voyez le toboggan-là, il achemine les sacs. Et les camions ils sortent là. Ça va soit au niveau de notre dépôt, soit directement au niveau de nos clients, distributeurs ou boulangers. », poursuit l'employé. 

Des trésoreries mises à rude épreuve

Au Sénégal le prix de vente des sacs de farines est fixé par l’État, quel que soit le prix d’achat des céréales. « La compensation était prévue par l’État, ce qui explique qu’aujourd’hui qu’il y a une enveloppe de près de 10 milliards de francs CFA que nous doit l’État. À ce jour ce n’est pas encore payé et naturellement ça remet en cause les prochaines commandes, détaille Claude Demba Diop, le président de l’Association des meuniers industriels du Sénégal. Si on devait faire la vérité des prix, comme ça se passe un peu partout dans la sous-région, on devrait être aux alentours de 26 000 francs le sac. Compte tenu de l’homologation, on est actuellement en train de céder le sac à 19 200 francs CFA. »

Un agent des Grands Moulins de Dakar ferme des sacs de farine vendus à 19 200 francs CFA le sac, un prix homologué par l'État alors qu'il devrait être vendu au prix de 26 000 francs CFA. © RFI/Charlotte Cosset

« On est de plus en plus dans l’incertitude. Parce que le dollar ne cesse de monter, le baril de pétrole augmente donc le fret s’en suit, énumère Claude Demba Diop. Le phénomène de rareté du blé également est un phénomène qui est aujourd’hui d’actualité parce que non seulement, il y a certains marchés qui se referment : l’Inde s’est refermée, vous voyez le marché de la mer Noire liée à cette guerre russo-ukrainienne. Il y a également des phénomènes climatiques. Il y a dans certains pays comme la France, on nous annonce qu’il y a une baisse des récoltes. Donc si vous faites ces cumuls des faits il y a de quoi s’inquiéter d’un approvisionnement futur un peu incertain. Pour le moment on est un peu dans l’attente du règlement donc de cette dette pour nous faciliter les prochaines commandes. »

Le président sénégalais, Macky Sall à la tête de l’Union africaine était en déplacement en Russie la semaine dernière. Objectif : plaider la cause du continent pour trouver des solutions sur cette problématique des céréales.