Afrique économie

Les ingénieurs tunisiens ont la cote dans les entreprises françaises

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Alors que la pénurie d’ingénieurs devient un sujet de préoccupation en France - on estime que l’économie française a besoin de 50 000 nouvelles recrues chaque année - certaines entreprises françaises ont décidé de se tourner vers des pays africains. Le Maroc, le Sénégal, Madagascar ou encore la Tunisie intéressent de près les recruteurs hexagonaux en mal de matière grise. Là-bas, on trouve des ingénieurs francophones, bien formés et en grand nombre. Une aubaine ! Notre correspondante à Tunis, Amira Souilem, a suivi des recruteurs débarqués de Paris bien déterminés à recruter des ingénieurs tunisiens.

Saber Mahbouli, à la tête de Sintegra Consulting.
Saber Mahbouli, à la tête de Sintegra Consulting. © RFI/Amira Souilem
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Le rituel est désormais bien rodé. Un samedi sur deux, dans ce centre de conférences de Tunis, des recruteurs français défilent devant plusieurs dizaines d’ingénieurs tunisiens. Ce jour-là, Yannick Wack est venu proposer une vingtaine de postes pour le compte de grands établissements bancaires français : « Il y a eu beaucoup de freins de la part des clients au départ, en se disant : "on a des besoins, mais est-ce qu’on va aller jusqu’à recruter des ingénieurs étrangers ?" On avait une crainte au départ au niveau des formations, mais en fait, on retrouve une équivalence. Ce sont des gens qui ne vont pas être enfermés dans leurs postes, ce sont des gens qui vont être force de proposition et qui vont vouloir justement avancer. »

Alors que les recruteurs français manquent de bras, les ingénieurs tunisiens ne demandent qu’à offrir les leurs. À l’image de ces deux jeunes hommes croisés aux abords du buffet bien garni : « La Tunisie ne fait que reculer, le pays n’avance plus. Là, il se trouve qu’il y a des opportunités en France, mais j’irai n’importe où. Tout, sauf la Tunisie en fait. » « Partir, c’est désormais une culture générale en Tunisie. Même nos employeurs, ici, en ont conscience, et ça les arrange parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas nous payer à la hauteur de ce que l’on veut et qu’on va donc travailler en traînant la patte. »

Ingénieurs tunisiens d’un côté. Recruteurs français de l’autre. Et au milieu : Saber Mahbouli, colosse à la quarantaine débutante. Très loquace et au contact facile, l’homme a monté une structure qui facilite la mise en relation entre ses confrères et les recruteurs français. Sa société a ainsi placé plus d’un millier d’ingénieurs tunisiens dans une cinquantaine d’entreprises partenaires, dont des grands noms du CAC40 : « Tous les clients qui viennent, ils disent "j’en veux dix, j’en veux quinze". J’ai un client qui m’en a demandé mille. Il y a des centaines de milliers d’ingénieurs qui manquent, il y a une vraie, vraie pénurie en Europe. Je ne sais pas pourquoi. Je pense que l’informatique n’est pas perçue comme un métier noble en France alors que pour nous en Afrique, en général, c’est un métier noble. »

Alors que le débat en Tunisie monte sur ce qu’on appelle ici la « fuite des cerveaux », lui préfère voir les choses différemment : « Moi-même, je suis parti en France et je suis revenu, donc elle est où la fuite des cerveaux ? Toutes les "success stories" qu’on a en Tunisie, dans l’IT, ce sont des gens qui sont partis et qui sont revenus. Je n’ai trouvé aucun exemple de quelqu’un qui ait fait quelque chose d’ambitieux, d’impactant en Tunisie, dans l’IT, et qui ne s’est pas expatrié. »

En attendant un éventuel retour au pays, ces ingénieurs savent qu’ils vont pouvoir faire décoller leur carrière et leur salaire. D'environ 300 euros en Tunisie, le salaire d’un débutant - pénurie oblige - peut être multiplié par dix en France dans certains cas.

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