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Tunisie: les artisans bijoutiers qui travaillent le corail menacés de disparition [2/2]

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En Tunisie, la côte de corail qui s’étend sur 180 km de Bizerte jusqu’à Tabarka, ne rapporte plus grand-chose aux artisans de la ville. Habitués à récupérer les débris ou les branches non exploitables pour l’export, les artisans bijoutiers locaux, autrefois prospères, sont menacés de disparition face à la rareté du corail et sa cherté. Portrait du doyen de cet artisanat à Tabarka.

Des bijoux façonnés avec du corail de Tabarka.
Des bijoux façonnés avec du corail de Tabarka. © Lilia Blaise / RFI
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De notre correspondante à Tunis,

Dans son échoppe avec pignon sur rue vers le centre-ville, Mokhtar Saoudi, 75 ans et artisan bijoutier dans le corail depuis quatre décennies, guette sa clientèle. Il est tombé amoureux pour la première fois de l’or rouge, à l’âge de 15 ans.

« À l’époque, le corail était disponible en grandes quantités. Il se vendait 30 euros le kilo. On allait avec d’autres jeunes à la rencontre des pêcheurs qui ramenaient le corail avec la croix de Saint-André, une croix en métal qu’ils jetaient dans les récifs pour les casser et récupérer dans les filets, les débris. Tout ce que les pêcheurs ne gardaient pas, parce que c’était trop abîmé ou trop petit, on le récupérait et on mettait un peu d’huile d’olive dessus pour le rendre encore plus rouge. Et on le vendait pour quelques dinars dans la rue. »

Autodidacte, Mokhtar s’achète ensuite une meule et du papier à poncer, avec lesquels il commence à sculpter des colliers ou des bracelets.

À écouter aussiTunisie: la contrebande de corail à Tabarka [1/2]

« Les gens venaient de partout en Tunisie »

Peu à peu, il ne vit que pour cet artisanat qui attire de nombreux touristes dans cette ville de 20 000 habitants connue pour ses paysages entre la montagne et la mer et la richesse de son corail.

« Les gens venaient de partout en Tunisie dans des foires artisanales où l’on vendait nos produits. On avait même la fête du corail, une sorte de festival dédié à l’or rouge. Les affaires se portaient bien. Il y avait déjà des acheteurs qui venaient prendre les belles pièces et allaient directement les vendre en Italie, mais c’était une époque où il n’y avait pas de contrôles douaniers ou autre. »

« On se retrouve à travailler à perte »

Il ouvre ensuite son atelier dans les années 2000 avec cinq femmes qu’il a formées lui-même, mais surexploité, le corail se fait de plus en plus rare et cher. Il faut désormais plonger à des profondeurs entre 120 et 150 mètres pour en trouver à Tabarka. Depuis dix ans, Mokhtar a vu son chiffre d’affaires baisser considérablement 

« Tous les jours, je pense à fermer boutique et je n’y arrive pas. Mais concrètement, ce n’est plus rentable pour nous les artisans. On investit en achetant 1 ou 10 kilos de corail à 3 000 euros pour faire nos bijoux, mais ensuite la clientèle ne suit pas. On se retrouve à travailler à perte. »

Et la jeunesse n’est pas intéressée pour reprendre le commerce. Une vingtaine de bijoutiers vivent encore du corail à Tabarka. Si Mokhtar s’en sort encore en rachetant à des prix intéressants aux enchères, la marchandise de corail de contrebande confisquée par la douane. L’artisanat, lui, risque de bel et bien disparaître.

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