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La banane, produit de luxe du ramadan en Tunisie

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En Tunisie, les courses du ramadan se feront dans l’austérité, pour faire face à une inflation générale proche de 8%, alors que la hausse des prix des denrées alimentaires atteint les 12%. Dans de nombreux pays, la banane est un produit de saison plutôt bon marché. Mais en Tunisie, il s'agit d'un luxe difficilement accessible. Les commerçants en vendent d’ailleurs de moins en moins et doivent souvent s’en procurer au marché noir, faute d'importations.

L’office du commerce tunisien a annoncé vouloir importer 2 000 tonnes de bananes d’Égypte pour le mois de ramadan.
L’office du commerce tunisien a annoncé vouloir importer 2 000 tonnes de bananes d’Égypte pour le mois de ramadan. © CC0 Pixabay/Alicja
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De notre correspondante à Tunis,

L'an dernier, le prix de la banane avait fait l'objet de vives polémiques, poussant l'État tunisien à le fixer à 5 dinars le kilo, soit 1,50 euro. Mais cette année, le fruit est de nouveau inaccessible pour les petites bourses. Sur l’étal de Wissem Krouma, 29 ans, dans le quartier populaire de Bhar Lazreg, les bananes suspendues au-dessus des légumes n’attirent plus la clientèle. Wissem doit les vendre à 10 dinars le kilo, soit 3 euros, pour rentrer dans ses frais.

« Le carton de bananes me coûte environ 220 dinars les 18 kilos, donc je ne fais même pas de marge, je vends les bananes au prix où je les achète au marché de gros, lâche-t-il, dépité. Parce que ça me permet d’avoir une offre variée dans mon étal même si pas grand monde les achète. Les clients achètent au mieux une à deux bananes maximum. »

Des bananes au prix de la viande

Sous le régime de Ben Ali, l’importation de la banane était taxée à 36%, mais les proches du président avaient le droit de contourner cette taxe et négociaient directement avec les producteurs de banane en Équateur et en Côte d'Ivoire.

À l'époque, ces bananes de contrebande abondaient à des prix très accessibles sur le marché tunisien. Wissem s'en souvient bien. « À l’époque, j’étais au collège, mais je tenais déjà un stand de fruits. Pendant le ramadan, j’achetais le carton de bananes à 12 dinars le kilo, le max, c'était 23 dinars. Donc dix fois moins cher que maintenant ! », s'exclame-t-il.

Chez Marwen, un autre commerçant, un client vient d’acheter un peu plus d’un kilo. Il se moque de son prix trop élevé. « Ça m’a coûté plus de 15 dinars, à ce prix-là, ce ne sont pas des bananes, c’est de la viande de mouton que j’achète ! C’est très cher. Apparemment, Kaïs Saïed n’est pas encore venu contrôler tout ça », grince-t-il.

« On ne peut pas gérer l’inflation par décret »

Une blague en référence à l’année passée où le prix de la banane avait suscité de telles polémiques que le président Kaïs Saïed avait ordonné au ministère du Commerce de geler son prix. Une initiative qui avait rencontré un certain succès populaire, mais qui n’a pas duré, comme l’explique Louai Chebbi, cofondateur de l’association Alert : « On ne peut pas gérer l’inflation par décret, lance-t-il. Le gouvernement et les autorités publiques essaient de légitimer leur position politique en ayant des résultats économiques et donc la limite de cette vision, c’est de dire : "Il faut combattre la cherté des prix par décret." En limitant le prix de la banane à 5 dinars, on fait complètement disparaître l’offre. Ce qu’on fait, c'est qu’on va stresser l’offre parce qu’on ne va pas permettre aux agriculteurs, aux commerçants, aux petits détaillants, d'y trouver leur compte. »

Dans le sud tunisien, Jamel Sayaari confie aller chercher les bananes directement en Libye pour sa consommation personnelle. « Je passe la frontière parce que le kilo est à 2-3 dinars et à Ben Guerdane, ils le revendent entre 5 et 7 dinars. Mais ça reste beaucoup moins cher que les prix pratiqués dans la capitale ! »

L’office du commerce tunisien a annoncé vouloir importer 2 000 tonnes de bananes d’Égypte pour le mois de Ramadan, et fixer son prix de vente à 5 dinars comme l’année passée. Mais pour le moment, celles-ci ne sont pas encore arrivées sur les étals.

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