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En Zambie, El Niño questionne le business des semences

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Confrontée à l’une des pires sécheresses de son histoire, provoquée par le phénomène climatique El Niño, la Zambie vit une situation dramatique. Dans ce pays agricole, environ 80% des récoltes de maïs ont été décimées. Un maïs provenant pourtant de semences censées être adaptées au contexte africain. 

Inspection d'un champ de maïs ravagé. Après une année sans récolte et sans revenu, les agriculteurs zambiens vont devoir acheter semences et engrais à des prix beaucoup plus élevés.
Inspection d'un champ de maïs ravagé. Après une année sans récolte et sans revenu, les agriculteurs zambiens vont devoir acheter semences et engrais à des prix beaucoup plus élevés. © Igor Strauss / RFI
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De notre envoyé spécial, 

Depuis une dizaine d’années, la Zambie est devenue un paradis pour les semenciers qui développent de nouvelles variétés de semences censées être adaptées au contexte africain. Mais dans son champ perdu au milieu d’une vaste plaine brûlée par le soleil, Pride Mappé, un agriculteur de la région de Kabwe, à 200 km au nord de Lusaka, qui cultive du maïs hybride, fait un tout autre constat. « Vous voyez celui-ci, à quoi il ressemble ? Il est tout abîmé, se désole l’agriculteur. À cause du manque de pluie, le maïs a été attaqué par des insectes. À cause de la sécheresse, on ne sait pas comment on va survivre cette année. »

Ces semences hybrides sont payantes et Pride Mappé doit en racheter chaque année. En contrepartie, elles sont censées mieux résister à la sécheresse. Mais El Niño a prouvé le contraire. Une catastrophe pour ce père de trois enfants. Le maïs lui fournissait ses repas quotidiens et ses maigres revenus.

« Il faut revenir à la base »

Dans sa ferme écologique de Monze, au sud du pays, où il cultive des variétés locales, Gilbert Lahakis, ne comprend pas l’engouement pour les semences hybrides.« Avec le réchauffement climatique, il faut revenir à la base et se demander comment on peut survivre. Et la seule question à se poser, c’est : quelle est la quantité d’eau dont je dispose ? », explique-t-il pragmatique. « Vous pouvez fabriquer de nouvelles semences grâce à la technologie, mais si vous n’avez pas d’électricité pour pomper l’eau, alors vous n’avez qu’une promesse. Mais vous n’avez pas une vraie solution pratique, durable et accessible. »

Retour dans la région de Kabwe, dans un champ de 70 hectares, où sont produites les semences hybrides de maïs de l’entreprise zambienne Synergy Seeds. Milopi Milopi, directeur du développement, cherche un épi comestible. « On peut estimer les pertes à 75 ou 80% de la production. C’est ça le résultat de la sécheresse », assure-t-il.

Des pertes qui se répercuteront sur les producteurs

Des pertes considérables pour les fabricants de semences, qui vont se répercuter sur les petits agriculteurs. Nelson Chimboya travaille pour le fabricant zambien Afriseed. « Ce que les agriculteurs doivent comprendre, c’est que notre production de semences a été affectée de la même façon que leur récolte, constate-t-il. On va donc devoir augmenter le prix des semences de façon conséquente. Parce que si on ne fait pas ça, on va juste produire et vendre sans faire de bénéfices. »

Après une année sans récoltes et sans revenus, les agriculteurs zambiens vont donc devoir acheter semences et engrais à des prix beaucoup plus élevés. Un business fructueux pour les entreprises, un gouffre pour des agriculteurs exsangues.

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