Tamra Ryan, présidente du Women's Bean Project aux États-Unis
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Aujourd’hui l’Économie est consacré en cette fin d’année à des personnalités qui se sont engagées dans la lutte contre les inégalités. Coup de projecteur ce lundi sur Tamra Ryan, présidente du Women’s Bean Project aux États-Unis, une association de réinsertion pour les femmes éloignées de l’emploi.

« Je suis née à Colorado Springs, je suis l’héritière d’une lignée de cinq générations installées dans l’État du Colorado. Je viens d’une famille modeste. Mon père était ouvrier et je suis l’aînée d’une fratrie de quatre enfants ».
Douée pour les études, Tamra Ryan suit un cursus universitaire en kinésiologie et physiologie dans le Colorado, à l’ouest des États-Unis, puis à New York. Elle débute sa carrière dans le milieu médical et de là se lance dans le marketing et le développement des affaires, avant de prendre les rênes du Women’s Bean projet.
Accompagnement
Depuis 30 ans, l’association embauche, au salaire minimum, des femmes éloignées de l’emploi pour fabriquer les produits alimentaires qu’elle commercialise. Cela commence par la fameuse soupe aux … haricots, « bean » en anglais, d’où le nom Women’s Bean Project.
« Les femmes que nous employons n’ont en général pas travaillé plus d’un an dans leur vie. Elles ont 38 ans en moyenne et ont un long parcours d’addiction et d’incarcération. Souvent elles sont eu leur premier enfant adolescente et n’ont pas pu terminer leurs études.
Pendant six à neuf mois, elles fabriquent ces produits alimentaires, les expédient et apprennent des "soft skills" : comment résoudre des problèmes, définir un objectif, s’organiser, gérer un budget. Une femme, par exemple, peut se retrouver régulièrement sans boulot, parce qu’elle le quitte au moindre conflit avec son employeur. Nous lui apprenons alors à gérer les désaccords, à communiquer. À la fin de leur formation pratique, ces femmes obtiennent un diplôme et peuvent travailler dans leur communauté. Nous les suivons tous les six mois pendant deux ans. Au bout d’un an, 95% des femmes diplômées ont toujours leur emploi. »
Tamra Ryan s’assure que ces boulots dans le secteur des services sont évolutifs. Certaines femmes, la plupart issues des minorités, parviennent à se hisser à des postes à responsabilité ou à créer leur entreprise. Un rêve américain difficilement accessible à toutes, comme elle l’explique dans son livre The Third Law, en référence à la Troisième loi de Newton ou au principe d'action-réaction et qui détaille les obstacles que les femmes marginalisées doivent surmonter pour s’en sortir.
« Le taux d’incarcération des femmes a explosé aux États-Unis de 757% entre 1977 et 2004. C’est dû aux récidives et nos études montrent que c’est parce qu’elles ne trouvent pas de travail. La plupart des employeurs ne veulent pas embaucher d’anciennes détenues, qui n’ont jamais eu d’emploi stable, qui ont des problèmes de transport, de logement. Ce sont ces obstacles à l’embauche là que nous essayons aussi de résoudre. »
« En plus, avec la pandémie de coronavirus, le chômage a grimpé en flèche. Le taux était de 3% l’année dernière, il est de 10% aujourd’hui. Nous embauchons tous les mois et nos candidatures ont été multipliées par dix.»
« De plus en plus de femmes veulent un avantage pour être compétitives sur le marché du travail. »
« Je voudrais une Amérique plus empathique, plus tolérante »
Cette sportive, ancienne athlète de triathlon, est saluée par ses pairs. Elle a été nommée parmi les 25 femmes les plus influentes du Colorado en 2017 pour ses nombreux engagements socio-économiques et actions de philanthropie. Des engagements difficiles à mener dans une Amérique, devenue, selon elle, profondément divisée et fracturée. Tamra Ryan a voté pour le démocrate Joe Biden aux élections présidentielles de novembre, un moindre mal, dit-elle, mais qui ne représente pas assez l’Amérique à laquelle elle aspire.
« Je suis triste et désespérée devant l’absence de bienveillance et de compassion qui règnent dans notre pays. On peut être en désaccord, sans pour autant mépriser ceux qui ne partagent pas votre avis… Ce n’est pas un pays comme ça que je souhaite pour moi, pour mes deux enfants. Je voudrais une Amérique plus empathique, plus tolérante. »
Tamra Ryan travaille sur un autre livre et ambitionne de lancer The Women’s Bean Project à l’échelle nationale et internationale. Un moyen d’aider davantage de femmes et de perpétuer l’héritage de la fondatrice de l’association, Josepha Eyre, décédée en avril dernier des suites du Covid-19.
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