Marc Darroze : avec l’armagnac «on vend une histoire»
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Depuis le 12 janvier, les Etats-Unis surtaxent de nouveaux produits européens. Des droits de douane de 25% sont imposés dans le cadre du litige sur les aides à Boeing et Airbus. Dans la ligne de mire : des eaux-de-vie françaises. Le cognac, bien sûr. Mais aussi l'armagnac et parmi les maisons exposées au marché américain, celle de Marc Darroze.

Les États-Unis représentent 12% des ventes des Bas-Armagnacs Darroze, près de 20% de ses exportations. L'entreprise propose une gamme premium avec un prix correspondant, le surcoût sera donc d’autant plus important. Et, il n'y a pas que ça qui inquiète Marc Darroze.
« Le marché américain est organisé en plusieurs couches. Vous êtes obligé de passer par un importateur qui lui-même est obligé de passer par un distributeur qui ensuite va revendre aux restaurants ou aux cavistes. Ce qui me fait un peu peur, c’est que les différentes couches prennent en plus leur marge sur les taxes. Je pense qu’on va être obligé de baisser un peu nos prix de vente, mais en contrepartie, on veut s’assurer que cet effet de levier ne soit pas encore plus handicapant pour nous. »
L'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche est pour le manager et propriétaire de l'entreprise une bonne nouvelle, même il ne s'attend pas à de belles ventes cette année aux États-Unis. Marc Darroze ne cède pas pour autant au défaitisme. En vingt-cinq ans de carrière, il a connu d'autres soubresauts
Trois générations
Une carrière déjà longue dans l'armagnac, dans lequel il est pour ainsi dire né. Les armagnacs Darroze portent le nom de son père, Francis, et sont le fruit de l’histoire familiale.
« J’ai grandi dans des cuisines. Mon grand-père était chef de cuisine. Il allait dans les fermes aux alentours pour acheter des canards, du foie gras, des légumes, du gibier… tout ce qu’il pouvait cuisiner. La plupart de ces fournisseurs produisaient aussi de l’armagnac. Traditionnellement, c’était un peu le bas-de-laine de la famille. Quand il y avait besoin de trésorerie, ils utilisaient l’armagnac comme réserve. Et, donc mon grand-père en allant faire son marché choisissait des ‘dame-jeanne’, des grosses bouteilles. Il les vendait au verre en mettant en avant la notion de terroir, le nom du propriétaire, etc. Et c’est mon père qui, à la fin des années 60, a lancé cette belle affaire. Plutôt que d’acheter des petites quantités pour vendre au verre au restaurant, il leur a proposé un partenariat, toujours en mettant en avant la propriété, le terroir, le millésime, etc. »
Entre la restauration, l’armagnac et la profession de pharmacienne de sa mère, c’est le spiritueux que le frère de la chef étoilée Hélène Darroze choisit. Il ne s'engage pas tout de suite dans l'entreprise familiale. Après des études d'œnologie à Toulouse, il met les voiles.
Expérience en Californie et en Hongrie
« J’ai fait du vin en Californie. J’ai fait du vin en Hongrie, le vin de Tokaj. C’est un vin qui a une forte histoire. On l’appelait le vin des rois, le roi des vins. Ensuite, j’ai travaillé à Bordeaux. Beaucoup d’expériences essentiellement techniques avant de revenir. Cela m’a amené une ouverture d’esprit, l’envie de continuer à faire grandir l’entreprise vers l’international grâce aussi à ma maîtrise de l’anglais. »
Désormais, l'entreprise est présente dans 55 pays. Et pour Marc Darroze, cette eau-de-vie, c'est plus que du business. Le distillateur-éleveur souligne l'importance de la tradition régionale.
« L’armagnac a 700 ans. L’appellation d’origine contrôlée date de 1936. On ne vend pas qu’un liquide. On vend une histoire, un savoir-faire. C’est super important pour nous et c’est même essentiel dans la stratégie de présentation de nos produits. »
« L’armagnac répond aux valeurs d’ancrage territorial »
La principale difficulté engendrée par l'épidémie, c’est d’ailleurs pour lui de ne plus pouvoir voyager pour former et sensibiliser les clients.
Cet ancien président du Bureau national interprofessionnel de l’armagnac reconnaît que l’eau-de-vie gasconne a encore des défis à relever. Protéger et expliquer cette histoire en font partie.
« On est en train de changer de monde. Ces valeurs d’ancrage territorial vont encore être plus importantes qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent. Et l’armagnac a la chance de répondre à beaucoup de ces valeurs.
Ensuite, nous manquons un peu de dynamisme. Les Gascons sont tellement bien chez eux qu’ils en oublient d’aller prêcher la bonne parole à l’extérieur. On a des progrès à faire dans la représentation, dans l’envie d’aller prêcher la bonne parole sur les différents marchés. Il y a des progrès à faire mais je crois qu’on a quand même beaucoup de Maisons dynamiques avec des nouvelles générations. »
Il mise notamment sur le marché chinois. Marc Darroze aimerait voir l'Inde s'ouvrir. Pour l'instant, les droits de douane limitent les possibilités.
Mais attention, prévient-il aussi, à ne pas actionner tous les leviers de croissance d'un coup. Les réserves ne sont pas illimitées.
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