Aujourd'hui l'économie, le portrait

Chrystia Freeland, ministre des Finances du Canada

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Les ministres des Finances du G7 se réunissent les 4 et 5 juin à Londres pour préparer le sommet des chefs d'État et de gouvernement. Au menu de leurs discussions : le projet de taxation internationale des entreprises. L'occasion de parler de la ministre des Finances canadienne qui participe à ces négociations. Qui est Chrystia Freeland devenue en août 2020, en pleine crise du Covid la première femme à ce poste dans son pays ? Depuis 1867 c’est la première fois en effet que le ministère des Finances est confié à une femme.

La ministre des Finances canadienne Chrystia Freeland, lors d'une conférence de presse au Parlement, à Ottawa, le 19 avril 2021.
La ministre des Finances canadienne Chrystia Freeland, lors d'une conférence de presse au Parlement, à Ottawa, le 19 avril 2021. © REUTERS - PATRICK DOYLE
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Cheveux châtain, regard droit, un large sourire et un caractère bien trempé, Christina Alexandra Freeland, dite Chrystia, a un parcours pour le moins atypique. Née il y a 53 ans en Alberta, la future vice-Première ministre mène d'abord une carrière de journaliste. Diplômée de l'université de Harvard elle part en Ukraine, d'où vient la famille de sa mère, puis à Moscou où elle travaille comme correspondante notamment pour le Financial TimesThe Globe and Mail ou une agence de presse canado-britannique Thomson Reuters.

Chrystia Freeland n’a pas la langue dans sa poche

De retour au Canada, Chrystia Freeland travaille pour plusieurs médias et elle écrit. Dans son second ouvrage primé deux fois et intitulé Plutocrats : The Rise of the New Global Super-Rich and the Fall od Everyone Else, édité par Penguin Books, 2012 (non traduit en français), elle dénonce les inégalités des revenus. Dans une conférence enflammée TED, en 2014, elle explique : « Prenez Amazon, Apple, Google, Starbucks. Ces entreprises font partie des plus admirées, des plus encensées et des plus novatrices du monde. Il se trouve qu'elles ont aussi un talent particulier pour influencer le système fiscal international afin de baisser leurs impôts de manière très importante. Et pourquoi se contenter d'exploiter les systèmes tels qu'ils existent pour son plus grand profit ? Une fois que vous disposez de l'énorme puissance économique que l'on voit tout en haut de la pyramide des revenus, et le pouvoir politique qu'elle engendre inévitablement, il devient terriblement tentant de commencer à essayer de modifier les règles du jeu à votre avantage. »

Une fine négociatrice

Taxer les multinationales devient le cheval de bataille de Chrystia Freeland. L'ancienne journaliste se lance en politique en 2013 et passe rapidement des Chambres des communes au gouvernement de Justin Trudeau. Devenue ministre du Commerce international, puis ministre des Affaires étrangères, elle s'illustre alors dans la renégociation de l'accord de libre-échange États-Unis-Canada-Mexique. L’occasion pour cette femme discrète de se faire connaître à l'international, estime Stéphanie Chouinard, professeure de sciences politiques au Collège militaire royal et à l'Université Queens à Kingston en Ontario au Canada : « C'est quelqu'un qui a beaucoup de verve, beaucoup de tact, mais qui est aussi une fine négociatrice. Lorsqu'on parle par exemple des négociations avec des États-Unis sous le régime de Donald Trump, c'était un moment pas facile pour le Canada. Le Canada économiquement parlant dépend énormément de la relation qu'il entretient avec les États-Unis. La renégociation de l'accord ALENA était donc un moment crucial. Chrystia Freeland était à de nombreux égards une carte cachée dans la manche du Canada. Je pense qu'elle a gagné le respect non seulement des Canadiens, mais aussi de ses adversaires politiques de l'autre côté de la Chambre des communes. »

Devenue persona non grata en Russie en raison de son opposition à l'annexion de la Crimée, la ministre canadienne tient des positions politiques qui crispent. Cela lui vaudra une campagne de discrédit par les médias russes sur le passé de son grand-père maternel. Durant l’occupation de l’Ukraine par les Allemands Michael Chomiak a travaillé comme rédacteur en chef d’un journal ukrainien pronazi.

Une nouvelle étoile sur la scène politique au Canada

Les convictions de Chrystia Freeland dérangent. Comme en 2018 lorsqu'elle appelle à la libération de deux activistes des droits de l'homme détenus an Arabie saoudite. Ce n'est pas un hasard si en 2019 elle est classée par le magazine Forbes au 37e rang des plus grands leaders mondiaux. Pour Stéphanie Chouinard : « Ce n'est pas une étoile montante, c'est une étoile tout court de la scène politique canadienne. On peut en revanche lui reprocher d'avoir été moins présente sur le dossier des relations avec la Chine. Le Canada est en relation extrêmement tendue avec la Chine du fait de deux prisonniers, Michael Spavor et Michael Kovrig, emprisonnés en Chine depuis plus de deux ans. [Ndlr: Michael Kovrig et Michael Spavor ont été arrêtés en 2018 en guise de représailles contre la détention au Canada de la directrice financière du groupe Huawei.] Mais en tant que vice-Première ministre et ministre des Finances ça se déroule assez bien jusqu'à maintenant. Son premier budget déposé il y a quelques semaines était attendu de pied ferme et il a été bien accueilli. C'est une femme qui marque déjà le Canada, et qui donne l'impression qu'elle tente de se positionner pour la course à la chefferie du parti libéral d'ici quelques années. »

Le défi de cette réunion G7 sera de savoir, selon l'experte, si le Canada opte pour une imposition plus élevée des multinationales que les 15% proposés à minima par les États-Unis.

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