Stanislas Niox-Chateau, cofondateur de Doctolib
Publié le :
Écouter - 03:43
En quelques années, Doctolib, la plateforme numérique pour la prise de rendez-vous médicaux, est devenue incontournable dans le monde de la santé en France. La « start-up » devenue « licorne », a pris son essor lors de la crise Covid-19. Sa position dominante est d’ailleurs désormais contestée mais Stanislas Niox-Chateau garde le cap qu’il s’est fixé : le service rendu aux praticiens et aux patients
En sept ans, depuis la fondation de Doctolib, Stanislas Niox-Chateau a parcouru du chemin. À 34 ans, il peut se targuer d’être à la tête d’une entreprise qui a dépassé le milliard de valorisations boursières, et qui est entrée dans le club très sélect des « licornes » (des startup qui atteignent une valorisation d'au moins un milliard de dollars,ndlr). Doctolib joue non seulement un rôle prépondérant dans la politique vaccinale française (trop diront certains) mais démocratise aussi la téléconsultation, vient en appui des Samu, des hôpitaux publics, et se développe jusqu’en Allemagne et en Italie.
Pour Antoine Freisz, cofondateur du fond Kerala Ventures et investisseur de la première heure dans Doctolib, la clé du succès de Doctolib ne tient pourtant pas seulement à l’innovation :
« Stanislas Niox-Chateau a ce grand talent d’être à la fois capable de créer un produit mais aussi de le vendre », explique-t-il, « Et la plus grande innovation c’est peut-être moins l’idée et la technologie elle-même que d’avoir réussi à l’expliquer, et de l’avoir fait adopter à des milliers de professionnels de santé »
Stanislas Niox-Chateau ne partait pourtant pas avec beaucoup d’atouts dans sa manche. Après un début de carrière dans le sport où il doit abandonner l’idée d’être champion de tennis, après s’être blessé au dos, il intègre HEC et rejoint un fonds d’investissement pour lequel il va étudier le fonctionnement d’une plate-forme de réservations de restaurants. De sa timidité et de ce qui était alors sa principale fragilité, son bégaiement... il en fera un atout.
Inquiétudes sur l'utilisation des données des patients
Doctolib c’est aujourd’hui, 1 700 collaborateurs, les « doctolibers », cinquante millions de comptes patients entre la France et l’Allemagne, et onze millions de consultations en vidéo, la crise sanitaire est passée par là. Mais aussi les investisseurs, ceux que Stanislas Niox-Chateau a aussi réussi à convaincre, comme Pierre Kosciusko-Morizet, le co-fondateur et ancien PDG de Price Minister mais aussi Bertrand Jelensperger, cofondateur et PDG de Lafourchette. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de la société (non communiqué) est estimé entre 150 millions et 200 millions d’euros pour l’année 2020.
Pour Charlotte Krychowski, maitre de conférence à l’institut Mines-Telecom Business School, et auteur du livre « Business models en e-santé » aux Presses des Mines.
« Cela reste très difficile en France de trouver des sources de financement, en particulier dans le domaine de la e-santé, et l’économie numérique répond à des lois particulières. Plus il y a d’utilisateurs du service, plus ce dernier aura de la valeur » ajoute-t-elle, « c’est ce qu’on appelle l’effet de réseau qui n’est déclenché que lorsque l’on atteint une masse critique, c’est là que l’entreprise peut générer de la valeur. Ça reste très difficile en France d’attendre cette masse critique du fait de notre cadre réglementaire qui évolue très doucement. »
Aujourd’hui, le succès de la plateforme provoque de nombreuses critiques et inquiétudes. Sur l’utilisation des données personnelles des patients notamment qui sont hébergées sur le cloud d’AWS, la filiale d’Amazon.
Frédéric Bizard, économiste et spécialiste des questions de protection sociale et de santé, et auteur du livre L'autonomie solidaire en santé estime que si « une société privée gère la logistique de la téléconsultation, c'est très bien, mais là où il doit y avoir un contrôle absolu, c’est sur l’usage et la protection des données. Est-ce que l’on confie cela à une société privée qui stocke ces données par le biais d'une autre société privée étrangère ? Cela pose en effet un certain nombre d’interrogations ».
Stanislas Niox-Chateau se défend de toute volonté de main basse sur les données personnelles des patients qui sont bien protégées, assure-t-il. Il préfère avancer dans son projet : améliorer le quotidien des soignants... tout en profitant des failles du système de santé français en termes de digitalisation.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne