Leena Nair, la nouvelle patronne de Chanel

Depuis janvier, Chanel a une nouvelle directrice générale. Elle s'appelle Leena Nair. Cette Britannique d'origine indienne habite à Londres où se trouve le siège social du groupe. C'est aussi de là-bas qu'elle dirigera la célèbre maison de mode.

Leena Nair, la nouvelle patronne de Chanel © Shinykatie/wikimedia.org

Leena Nair est une femme au parcours atypique. Cheveux noirs, regard perçant, sourire de star de cinéma… Leena Nair ne vient pas du sérail. Sa nomination à la tête du groupe de luxe a été une surprise. Leena Nair arrive chez Chanel après trente ans passés chez Unilever, le géant de la grande distribution, dont elle a fait une entreprise à 100% paritaire en matière d'égalité hommes-femmes au niveau du management, le secteur qu’elle a dirigé.

« Kolaphur est dans mon cœur »

Cette femme charismatique a commencé en bas de l'échelle. Leena Nair est née il y a 53 ans à Kolaphur, dans l'ouest de l'Inde, où elle fait ses études secondaires. Ces années d'apprentissage, elle s'en souvient à l'occasion d'une rencontre avec les élèves de son ancienne école : « Kolaphur est dans mon cœur pour toujours. J'aime sa cuisine, j'aime tout ce que cette ville représente. Je n'ai pas pu refuser votre invitation parce que je sais que vous êtes l'avenir de Kolaphur. Vous êtes appelés à faire la différence. Et ce non seulement pour votre ville, mais pour le monde entier. »

« Tu peux atteindre tout ce que tu veux dans ta vie »

Rêver grand, surtout quand on naît fille, c'est sa devise. Diplôme d'ingénieur en poche, Leena constate aussitôt qu’elle s’était trompée dans son choix d’études et rejoint une école de management; elle finit major de sa promotion. Elle vient de trouver sa voie : encadrer et organiser le travail au sein d'une entreprise. Au début des années 1990, Leena entre chez Unilever en tant que simple stagiaire et gravit les échelons pour devenir vingt ans plus tard première femme, première Indienne et plus jeune DRH de l'histoire du groupe. Sa source d'inspiration ? Son père : « Il m'a toujours soutenue. Je me souviens quand j'étais petite, les gens venaient chez nous et disaient à mon père sur un ton de reproche : Tu n'as pas de fils ? Tu n'as que deux filles ! Ça me faisait mal, car j'ai pensé que j'étais quelqu'un de bien, mais pas assez. Mais mon père m'encourageait : tu peux atteindre tout ce que tu veux dans la vie. »

Personnalité hors du sérail

Ce n'est pas la première fois qu'une femme dirige Chanel. Jusqu'en 2016 c'était une Américaine, Maureen Chiquet, qui était aux commandes et qui fût remplacée par Alain Wertheimer, alors président du groupe. La nouveauté cette fois-ci, c'est que le groupe est allé chercher un profil plutôt insolite, estime Silvano Mendes, journaliste spécialiste de la mode à RFI et enseignant à l'université Sorbonne-Nouvelle : « C'est un signe d'ouverture parce qu'on imagine qu'elle va apporter dans ses valises certaines pratiques issues de la grande distribution. Ce n'est pas quelque chose de nouveau dans le monde du luxe, mais c'est assez différent, inattendu chez Chanel dont on sait que la direction est très concentrée, menée soit par des personnes proches de la famille Wertheimer, propriétaire de la marque, soit par des personnalités issues de la mode et du luxe. »

Le manque de transparence de grandes marques de luxe

Le monde de la mode se retrouve régulièrement sous le feu de critiques pour son opacité et ses pratiques. En 2017, l'enseigne britannique Burberry a détruit des vêtements et des cosmétiques d'une valeur de plus de 30 millions d'euros au nom de la protection de la marque. Les petits brodeurs de Mumbai ont dû batailler fort pour améliorer leurs conditions de travail et leurs salaires. Rares sont encore les créateurs ou les créatrices de mode qui travaillent directement avec ces brodeurs.

Ce goût du secret, Chanel le cultive. À l’instar d’autres grandes marques de la mode, le groupe a souvent manqué de transparence en ce qui concerne ses chaînes d'approvisionnement ou ses résultats financiers : « Chanel est une marque qui a le culte du secret. Il y a très peu de temps qu'elle a commencé à communiquer publiquement sur ses résultats, ses bénéfices. Mais en même temps, elle est très populaire. C'est peut-être un des noms qui incarnent le plus la France, avec Dior et Hermès. C'est une marque qui est toujours en quête de nouveauté. »

Les droits sociaux des travailleurs

Les mots d’ordre de Leena Nair sont inclusion sociale, transparence et durabilité. Des mots qui résonnent aux oreilles de consommateurs de plus en plus sensibles aux droits sociaux des travailleurs. Insuffler ces valeurs dans la marque mythique qu'est Chanel, sera l'une des missions les plus importantes de la nouvelle directrice de la maison.