Hélène Daba Diouf, Sisters of Afrika
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La mode africaine sera célébrée au V&A museum de Londres ce samedi 2 juillet. De plus en plus, les créateurs du continent s’imposent sur la scène internationale. Charlotte Cosset est allée à la rencontre de l’une des figures montantes de la mode au Sénégal. Elle a créé la marque Sisters of Afrika, qui est reconnaissable pour son coton tie and dye designé et réalisé au Sénégal.

Dans une boutique d’une arrière-cours parisienne, des femmes réjouies se pressent autour de portants. Elles sont pour beaucoup de la diaspora venue de toute la France pour cette vente privée de Sisters of Afrika. Lancée en 2013 par Hélène Diouf, cette marque a su conquérir les cœurs. Paoline Ekambi – ancienne joueuse de l’équipe de France de basket, à la tête d’une start-up, la suit depuis plusieurs années.
« J’ai vraiment eu un coup de cœur et ensuite je l’ai suivie jusqu’à son installation à Dakar et je l’appelle "ma petite pépite", qui a bien grandi. Et qui aujourd’hui est ma petite championne maintenant parce qu’elle a vraiment bien évolué, pratiquement essaimé même sur le continent africain. »
Malgré son 1,83 mètre, Hélène Diouf se meut avec aisance autour de ses clientes. Cette jeune femme n’était pas prédestinée à être à la tête d’une entreprise. Elle a étudié la géographie, a exercé comme hôtesse de l’air, fait un peu de mannequinat et travaillé comme vendeuse dans une grande enseigne de vêtement. « En tout cas, je voulais être ma propre patronne, ça je savais. »
Dynamique et volontaire, Hélène Diouf tire cette énergie de son éducation, de sa famille. « Pourquoi Sisters of Afrika ? Parce que je viens d’une famille de sept filles et un garçon donc pour moi, c'était une manière de rendre hommage à mes sœurs et surtout à ma mère qui nous a toujours appris – paix à son âme, elle ne vit plus – à être indépendant, à travailler, à avoir quelque chose pour soi. Avant même de se marier ou autre chose, elle nous disait tout le temps : "le 1er mari d’une femme, c'est son travail". Donc aujourd'hui, je peux dire que si ce n’était pas elle, je n’en serais pas là. »
« Maman, elle travaillait, elle était dans le commerce, elle était très indépendante. Mon papa était navigateur donc il voyageait beaucoup. Il faut dire que dans la famille on a aussi ce goût du voyage, de se déplacer en tout cas de découvrir le monde. »
Sisters of Afrika c’est Hélène donc, mais c’est également Jeanne…
« Je m’appelle Jeanne, j’ai 40 ans, je suis la grande sœur d’Hélène. » Jeanne seconde Hélène pour la communication, la comptabilité. C’est sans doute elle qui parle le mieux de sa sœur. « Hélène oh lalala ! Travailleuse, elle n’arrête pas. Têtue. Mais on est têtues toutes les deux. Têtue, mais visionnaire. Elle peut décider d’un modèle, je vais dire jamais de la vie… Têtue, elle le fait et ce modèle va être notre must have ou notre plus grosse vente de la saison. »
Des ventes privées comme celles-ci, elle en organise en France, au Canada, mais aussi en Côte d’Ivoire, Gabon, Mali. Quand elle ne voyage pas, on retrouve Hélène à Dakar dans sa boutique de l’avenue Cheikh Anta Diop.
Teinturières, couturières, elle emploie au total une vingtaine de personnes
« C’est important pour vous de faire travailler des gens ici au Sénégal ? Ah oui, c’est important ! » Partie de rien, 300 000 FCFA se souvient sa sœur, elle s’est progressivement fait un nom dans le milieu jusqu’à ce que des bloggeuses influentes et même des stars portent ses créations.
« Je vais vous montrer cette robe qui est la robe Flora, la robe que Beyoncé avait portée. C’est une fierté c’est dire que Beyoncé porte une robe Flora qui coûte 130 euros de Sisters of Afrika qu’elle a repérée et que ça puisse lui plaire, tu te dis : "waouh ! Ok, ce que je fais c’est bien en fait". Ça nous encourage en tout cas a bien travaillé et à aller de l’avant et aller chercher les choses. Pour nous c’est une fierté et pour moi je dis que c’était surtout une fierté pour mon équipe. Ce n'était pas moi, mais pour ces dames-là qui ont fait la teinture et mon maitre tailleur. »
Les clientes ne cessent de se succéder dans sa boutique. Comme Naila qui est une convaincue : « L’histoire déjà d’Hélène, son parcours, l’entreprenariat local, faire des choses qui valorisent les talents du Sénégal, voilà c’est pour ca que j’ai acheté des trucs ».
Si elle se fait un nom dans la mode, Hélène Diouf s’est également fait remarquer pour son leadership. Elle fait partie du célèbre programme des young african leaders. « À Dakar on a été reçu par le président de la République son excellence Macky Sall. J’ai eu aussi la chance de lui poser une question et la chance aussi de m’asseoir à côté de lui et de dîner avec lui. C’était des moments très forts. C’était important pour moi de lui poser des questions. La question c’était de savoir : en tant que pays sénégalais et président de l’Union africaine en général, comment il pouvait aider l’industrie créative pour que ça devienne une industrie pérenne. Et vraiment vivable. Je sais qu’il y a beaucoup de choses, mais il y a cette valeur ajoutée qu’on doit faire. On a des designers, on a des artisans au Sénégal. On a plein de choses, mais il nous manque cette valeur ajoutée, cette valeur ajoutée dans l’écosystème dans tous les domaines. »
Elle a fait du « Made in Africa » une de ses priorités
« J’ai l’habitude de dire que je suis un produit made in Sénégal à 100%. Pour moi c’est une fierté de le dire. Aujourd’hui je veux vraiment permettre à beaucoup de femmes qui travaillent pour nous et d’autres aussi qui veulent intégrer Sisters of Afrika de vivre décemment. D’arriver à être autonome à 100%. Ça aussi ça fait partie de notre politique, on y travaille ». « Je suis toujours en chemin. Je ne suis pas encore arrivée là où je veux arriver mais je rends grâce à Dieu. Au-delà de faire prospérer sa marque…».
Hélène Diouf souhaite contribuer au développement de la filière textile au Sénégal. Elle rêve de pouvoir utiliser du coton d’Afrique de l’Ouest transformé dans la région.
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