Eva Sadoun, «entrepreneure activiste»
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Co-présidente du mouvement Impact France,une organisation patronale qui réunit les entreprises attentives aux conséquences écologiques de leur activité et au partage des valeurs ; organisation qui organise son « Université d'été de l'économie de demain » le 30 août 2022 sur le thème de la sobriété. Eva Sadoun est également à la tête de Lita.co.

Eva Sadoun a déjà cofondé deux entreprises : Rift, une application mobile qui calcule l’empreinte environnementale de notre épargne, et Lita.co, donc, une plateforme d'investissement dans des entreprises qui répondent à des enjeux de bien commun. Les particuliers peuvent y financer des projets d'énergie renouvelable, d'infrastructures, des projets d'immobilier.Lita.co sélectionne, en effet, des entreprises dans le logement social, l'écoconstruction ou la rénovation énergétique de bâtiments. Des sociétés carbonées peuvent aussi y trouver un apport pour opérer leur transition écologique.
Quelque 230 entreprises se sont déjà financées sur Lita.co à hauteur de 100 000 à 3,4 millions d’euros (par entreprise). Des sommes sur lesquelles la plateforme prélève une commission. Lita est une entreprise rentable qui dépense ce qu'elle gagne pour se développer, mais la performance financière n’est pas, loin de là, le seul objectif d’Eva Sadoun. Elle se définit comme une « entrepreneure activiste ».
« J'utilise mon entrepreneuriat au service de mon activisme, c'est-à-dire que mon objectif est de transformer l'économie, de faire que l'économie soit alignée avec les accords de Paris, avec la trajectoire que le GIEC nous demande, avec des problèmes d'inclusion sociale, etc. J'essaie de reconnecter l'économie avec des vraies préoccupations sociales et écologiques, nous explique-t-elle derrière son bureau. Et pour ça, j'ai monté des entreprises, mais ce n'est pas tout. Je fais aussi beaucoup de lobbying ou d'actions publiques pour faire en sorte que globalement, le combat que je mène dans mon entreprise soit porté au-delà de mon entreprise dans le monde politique et dans le monde médiatique. »
Un combat « éco-féministe »
La jeune brune qui a grandi dans l'Est parisien se considère même éco-féministe. Ecologie et féminisme sont pour elle deux faces d’une même pièce. « Cette domination que l'homme a sur la nature et que l'homme a eu sur la femme, c'est globalement un modèle de société qu'il faut renverser » pour être davantage « dans la coopération, dans un plus grand respect du vivant au sens large. Quand on est encore dans des logiques de domination, on est incapable de penser des logiques écologiques. »
Très tôt sensible à ces enjeux,elle estime qu'elle n'avait « pas nécessairement le capital culturel pour faire des études de sciences politiques. » Et,c'est son engagement qui conduit cette élève douée en mathématiques à suivre des études d'économie à l'ENS Cachan, une fac de math et un Master de finance de marchés. « En 2008, quand j'ai eu mon bac, il y a eu la crise financière et j'ai réalisé à quel point la finance avait un rôle catalyseur beaucoup plus fort que l'action politique. Et, j'ai voulu étudier cette matière pour comprendre pourquoi ces phénomènes financiers avaient ces répercussions-là » et comment la mettre au service d'un projet de société qui lui corresponde davantage.
Ses études lui permettent aussi de rencontrer son binôme en affaires. Sur les bancs de l'école, elle noue une amitié avec Julien Benayoun, le cofondateur de Lita.co. Et autant qu'il s'en souvienne, il a « toujours connu Eva engagée, impliquée dans tout ce qu'elle entreprend, elle veut comprendre les choses. Elle sait s'indigner quand elle trouve qu'il y a une injustice. Eva, c'est quelqu'un qui a une très belle vision long terme, qui sait enfoncer des portes, qui sait fédérer. »
Aller plus loin avec Impact France
A même pas 32 ans, Eva Sadoun a fédéré plus d'un projet, elle a déjà un CV bien rempli : cofondation d'une ONG au Togopendant ses études, expérience dans une plateforme de microfinance en Inde, Eva Sadoun ajoute aussi à la liste la co-présidence duMouvement Impact France. Un réseau de dirigeants qui s’étoffe. Si elle regrette que les quelque 10 000 membres restent minoritaires par rapport à la taille de l’économie, le mouvement né il y a douze ans essaie en tout cas de gagner en influence auprès de l'exécutif.
« Cela fait deux ans que le mouvement se structure pour pouvoir devenir une alternative écologique et sociale au Medef. Cela fait deux ans que l'on nous reçoit, mais je ne peux pas dire que l’on ait été particulièrement écouté. Alors que, pourtant, on représente vraiment un pont entre les discours scientifiques, activistes, et le monde économique traditionnel.» On pourrait être « une aide pour le gouvernement pour porter des politiques publiques alignées avec les enjeux écologiques et qui ont en même temps un réalisme économique. »
Son combat, elle le mène aussi sur le terrain pédagogique. Autrice du manifeste « Une économie à nous », elle intervient dans des écoles.
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