Aujourd'hui l'économie, le portrait

Mark MacGann, de lobbyiste haut placé à lanceur d’alerte des «Uber Files»

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La source à l'origine des « Uber Files » est désormais connue, il s'appelle Mark MacGann. C'est lui qui a transmis plus de 124 000 documents compromettants de l’entreprise étasunienne Uber au quotidien britannique The Guardian. Hier lobbyiste haut placé chez le géant du VTC, Mark MacGann est aujourd’hui devenu lanceur d’alerte.

Mark MacGann est à l’origine des « Uber Files » après avoir transmis plus de 124 000 documents compromettants de l’entreprise Uber au quotidien britannique The Guardian.
Mark MacGann est à l’origine des « Uber Files » après avoir transmis plus de 124 000 documents compromettants de l’entreprise Uber au quotidien britannique The Guardian. © AFP / BENOIT DOPPAGNE
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D’abord dans l’anonymat, Mark MacGann a finalement révélé son identité dans les colonnes du journal The Guardian lundi 11 juillet. Les documents qu'il a révélés ont permis la réalisation d'une vaste enquête qui lève le voile sur les méthodes brutales du géant du VTC. Avec un parcours professionnel remarqué, rien ne prédestinait cet Irlandais de 52 ans à devenir lanceur d’alerte.

Formé en France, à Sciences Po Grenoble, ce lobbyiste d'expérience fait ses armes dans différents cabinets de conseil, comme le géant Havas, et également dans des agences de relations publiques comme Weber Shandwick. Il travaille ensuite pour DigitalEurope, une association professionnelle qui défend les intérêts d’entreprises de la Big Tech comme Apple ou Microsoft, ou encore pour Wall Streeten tant que lobbyiste à Bruxelles.

C’est en 2014 qu’il rejoint Uber en tant que lobbyiste en chef chargé de l’Europe de l’Ouest, de l’Afrique et du Moyen-Orient.

Une participation active à la stratégie Uber

Mark MacGann est revenu sur son rôle au sein de l'entreprise dans son entretien accordé au Guardian. Concrètement, son poste consistait à pousser toutes les portes possibles pour créer un environnement législatif et commercial favorable au développement de l'entreprise.

« Dans la plupart des pays sous ma responsabilité, Uber n'était pas légale. J'étais celui qui parlait aux gouvernements, qui essayait de vendre Uber auprès des médias. Je disais qu'il fallait modifier la législation car cela allait profiter aux chauffeurs et qu'il y aurait d'énormes opportunités économiques. »

Mark MacGann était donc en première ligne dans la guerre lancée par Uber contre les taxis et les législations en vigueur. Rapidement, il devient la cible privilégiée des chauffeurs de taxi en colère lors des violentes manifestations en 2015. Face aux menaces de mort, Uber l'oblige même à avoir des gardes du corps. Un contexte qui l’a, selon lui, poussé à démissionner en 2016, même s’il restera quelques temps consultant.

Pourquoi devenir lanceur d'alerte ? 

Pourquoi a-t-il décidé, six ans après sa démission, de prendre publiquement la parole et de devenir lanceur d’alerte ? La question se pose puisqu'il était un acteur clé du système qu’il dénonce aujourd’hui. C'est ce que souligne Blandine Sillard, responsable du développement à la Maison des lanceurs d’alertes (MLA).

« Il était plus qu'un simple maillon de la chaîne, c'était presque le moteur. On comprend que des questions se posent. Est-ce qu'il cherche à se racheter une conscience ? Est-ce qu'il avait des griefs contre son entreprise ? Les deux sont probablement vrais. Malgré tout, sans lui et sans l'accès qu'il aurait pu avoir à ces informations là, on n'aurait pas ces preuves dont on a besoin pour faire avancer les choses. Son profil de lanceur d'alerte n'est pas atypique en soit. Ce qui est rare, c'est que des lanceurs d'alerte s'adressent directement à la presse. »

Cette médiatisation volontaire peut être une stratégie pour éviter les représailles. Mark MacGann, lui, affirme avoir longtemps réfléchi sur son rôle dans la dérive d’Uber, avant de prendre la parole. « Comment voulez-vous avoir l'esprit tranquille si vous ne vous levez pas pour reconnaître votre rôle dans la manière dont sont traités les chauffeurs aujourd'hui. C'est mon devoir de dire que nous avons fait une erreur. En réalité, ce que nous avons vendu aux gens était un mensonge. [...] Ce que je fais n'est pas facile, mais je pense que c'est juste. »

De son côté, Uber affirme que Mark MacGann n’est « pas en position de parler d’Uber de manière crédible aujourd'hui ». Une façon d’écarter les accusations de leur ancien salarié, sûrement devenu l’ennemi numéro un.

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