Aujourd'hui l'économie

La Nouvelle-Calédonie dans le piège des matières premières

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En Nouvelle-Calédonie où les électeurs sont appelés à se prononcer pour la troisième fois sur l’indépendance, le dimanche 12 décembre, l’économie tourne au ralenti. Un comble pour un pays qui détient d’importants gisements de nickel, un des métaux les plus recherchés du moment.

La mine de nickel de la commune française de Kouaoua, en Nouvelle-Calédonie, sur la côte Est de l'île de la Grande Terre, en septembre 2018.
La mine de nickel de la commune française de Kouaoua, en Nouvelle-Calédonie, sur la côte Est de l'île de la Grande Terre, en septembre 2018. © Claudine WERY/AFP
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Le sous-sol de ce petit archipel du Pacifique contient 20% des réserves mondiales de nickel. Le métal rouge est indispensable pour fabriquer de l’acier, il a le vent en poupe depuis que la Chine s’est réveillée, c’est-à-dire depuis au moins vingt ans. Et aujourd’hui, une nouvelle demande le rend encore plus indispensable : celle de l’électronique, des constructeurs automobiles du monde entier en ont besoin pour les voitures électriques. Tesla a d'ailleurs investi dans l'une des trois usines du caillou pour assurer son approvisionnement. Les habitants de Nouvelle-Calédonie ont donc en théorie de l’or sous leurs pieds, et une longue expérience derrière eux, un siècle d'extraction minière. Pourtant, alors que le cours du métal a fortement remonté cette année, sous la pression du regain de la demande, la production de la Nouvelle-Calédonie a chuté de 30%. L’activité des deux mines tournent aujourd’hui au ralenti.

Comment expliquer ce paradoxe ?

Le nickel calédonien, historiquement exploité par la société française Eramet, a été et demeure une rente pour l'économie locale, le principal moteur de l'emploi privé et de l'économie. Avec tous les inconvénients que le système de rente comporte, ce que les économistes appellent communément la « malédiction des matières premières ». Des efforts de gestion vertueuse de la ressource ont été mises en place suite aux accords de Nouméa de 1998. Car l'idée des indépendantistes était d'appuyer le développement futur sur cette ressource disponible et recherchée. Des accords ont été passé pour permettre progressivement au peuple kanak de reprendre la main. L'usine de Koniambo, au nord, est majoritairement détenue par la région acquise aux indépendantistes. Les transferts de compétence ont été réels, la prise en compte de l'environnement aussi. Une bonne partie des effets délétères de l'exploitation des matières premières ont été soigneusement évités.

Mais malgré cet engagement massif sur plus de vingt ans, le « caillou » n'a pas échappé à la malédiction

Difficile d'échapper à des paramètres que l'on ne maîtrise pas, comme les aléas du marché mondial. Les cours fluctuent et quand ils baissent rapidement, il faut avoir les reins solides pour résister. Or, le nickel est un marché très volatile : son cours a tutoyé le seuil des 50 000 dollars la tonne pour retomber à 10 000 dollars, il est aujourd'hui dans la zone des 20 000 dollars. Des dizaines de milliards de dollars ont été investis dans les mines, sans parvenir à en faire un outil compétitif, le nickel néo-calédonien est le plus cher au monde. Et ce mono-développement s'est fait au détriment du reste de l’activité. L’agriculture a régressé, l’archipel doit importer son alimentation, les richesses marines sont sous-exploitées, le numérique est un chantier encore en friche alors que c'est une composante des économies tournées vers l'avenir. Aujourd’hui, la rente du nickel est à bout de souffle. Depuis cinq ans, l’économie stagne, détruisant plus d’emplois qu’elle n’en crée. Le nationalisme minier qui est au coeur du projet des indépendantistes est devenu un boulet pour le développement de l'archipel.

• À écouter aussi, notre reportage : Nouvelle-Calédonie: troisième et dernier référendum d'autodétermination

EN BREF 

► À suivre aujourd'hui à Bruxelles, le projet de la commission européenne pour renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques. L'objectif est de clarifier leur statut, éventuellement de leur accorder celui de salariés. Les chauffeurs de Uber ou les livreurs de Deliveroo sont souvent des autoentrepreneurs démunis face aux plateformes. Plusieurs pays européens, comme l'Espagne, ont déjà pris des mesures pour mieux les protéger sous la pression de la justice.

► En Chine, le prix des légumes a grimpé de 30% en novembre. Un nouveau symptôme du retour de l'inflation qui inquiète la plupart des gouvernements. La FAO a lancé un avertissement il y a quelques jours sur le risque d'une nouvelle crise alimentaire.

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