Procès Deliveroo: le modèle des plateformes menacé
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On s’intéresse aujourd'hui au modèle de certaines plateformes numériques de service car ce mardi, un jugement est très attendu en France concernant l’entreprise Deliveroo, spécialisée dans la livraison de repas. Elle est soupçonnée de travail dissimulé.

Ce qui est reproché à Deliveroo, c’est d’avoir fait travailler des livreurs en tant qu’indépendants alors qu’ils auraient dû être salariés. C’est en tout cas ce qu’a conclu la procureure dans son réquisitoire en expliquant qu’il y avait bien un lien de subordination entre Deliveroo et les plus de 2000 livreurs travaillant pour la plateforme à l’époque des faits jugés, c'est-à-dire la période entre 2015 et 2017. Des livreurs surveillés par géolocalisation, soumis à de nombreuses obligations et à la pression de Deliveroo. C’est en tout cas ce qui est ressorti des témoignages entendus à la barre lors de ce procès.
Un système de mise en relation entre clients, restaurants et livreurs
Un triptyque qui se fait via un algorithme qui est d’ailleurs le même dans tous les pays. Cet algorithme est inapplicable sans la flexibilité des livreurs, mobilisables à tout moment selon le flux des commandes. L’inspection du travail assimile certaines instructions de Deliveroo à des ordres purs et simples.
Ce statut de travailleur indépendant ne serait donc absolument pas adapté, et permettrait à Deliveroo de faire de très importantes économies en cotisations sociales. L’Ursaff réclame d’ailleurs 9,7 millions d’euros à Deliveroo France, la filiale française du groupe britannique.
Un modèle qui commence à vaciller
En France, ce jugement pourrait éclaircir une jurisprudence pour l’instant très floue. Des jugements aux Prud'hommes ayant été rendus dans les deux sens, donnant parfois raison à l’entreprise et parfois aux livreurs, certains États ont décidé de légiférer.
En Espagne, Deliveroo a cessé ses activités en novembre dernier après l’adoption d’une loi donnant aux coursiers un statut de salariés. Résultat : augmentation des charges pour l’entreprise qui ne peut plus s'aligner sur les tarifs de la concurrence et qui préfère donc fermer.
Au Royaume-Uni, c’est encore un autre cas de figure : un statut hybride d’indépendant salarié a été adopté il y a un an. Il concerne les 70 000 chauffeurs de VTC, ceux travaillant pour Uber notamment. Ils bénéficient désormais du salaire minimum et de congés payés.
Une directive proposée par la Commission européenne
Après deux années de négociations et de rapport de force, cette proposition de directive prévoit une présomption de salariat, c'est-à-dire une requalification en salarié dès lors qu'il existe une relation de subordination entre le travailleur et la plateforme.
Pour déterminer cela, il suffira qu’une entreprise remplisse deux des cinq critères prévus par Bruxelles. Est-ce que la plateforme fixe la rémunération ? Est-ce qu’elle supervise le travail par un moyen électronique ? Est-ce qu’elle impose des heures de travail ou le port d’un uniforme ? Si la directive passe, les plateformes vont devoir révolutionner leur modèle.
La fin des plateformes ?
C'est ce que les plateformes disent en tout cas. Elles s'opposent farouchement à toute requalification importante des travailleurs en s'appuyant sur une étude du cabinet Copenhagen Economics, qui prédit qu'un tel scénario obligerait quelque 250 000 travailleurs européens à quitter le secteur.
En France, l'entreprise Just Eat, qui avait commencé à embaucher ses livreurs, a annoncé la semaine dernière qu'elle devrait supprimer 269 postes de livreurs salariés sur les 800 existants, invoquant des problèmes économiques. Car information importante : ces plateformes Uber, Deliveroo ou autres ne sont pas encore à l'équilibre.
► EN BREF
La Banque mondiale veut débloquer 170 milliards de dollars pour faire face aux crises provoquées par la guerre en Ukraine, a annoncé son président David Malpass hier.
170 milliards de dollars sur 15 mois pour aider les pays touchés par l'insécurité alimentaire et ceux qui accueillent des réfugiés depuis le début de la guerre en Ukraine. Des crises qui ralentissent nettement la croissance mondiale, explique David Malpass. La Banque mondiale table désormais sur une croissance de 3,2 % cette année.
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