Les syndicats sont reçus à partir de ce mardi 16 mai dans l'après-midi à Matignon pour parler travail. L’objectif de ce dialogue enfin renoué après la réforme des retraites, est de définir un nouveau pacte de la vie au travail.
Jusqu’à maintenant, le président Macron a surtout écouté les patrons, en privilégiant la politique de l’offre dans l’espoir d’attirer des investisseurs et donc des créateurs d’emplois. Mission accomplie. Le territoire français séduit de plus en plus les étrangers.
Cela s’est encore vérifié hier au sommet annuel « Choose France » où les dirigeants conviés ont multiplié les promesses d’investissements et d’embauches. Le chômage concerne encore 7% de la population active, mais il est en baisse constante depuis 2015. Il ne fait plus peur. Ce sont plutôt les pénuries de main d’œuvre qui sont devenues préoccupantes.
Contexte favorable pour les salariés
Après cinquante ans d’angoisse sur un marché du travail qui leur était défavorable, ils retrouvent enfin un peu de sérénité et donc un certain pouvoir de négociation face aux employeurs. La priorité du moment, ce sont les augmentations de salaires. Le retour de l’inflation a ramené la question au rang des priorités.
Mais c’est bien avant la hausse généralisée des prix que le pouvoir d’achat des Français s’est dégradé. La flambée de l’immobilier y a fortement contribué. En 1985, le logement absorbait 20% du pouvoir d’achat des ménages, on frise aujourd’hui les 30%. Dans les zones tendues, les régions touristiques, le problème est devenu tellement aigu que les employeurs en quête de personnel construisent des immeubles pour les loger à un loyer raisonnable.
Lien entre faiblesse des rémunérations et désenchantement au travail ?
Ce manque d’appétence - certains parlent carrément de grande flemme - est apparu au grand jour après la pandémie. Le confinement a révélé un monde du travail dual. Avec d’un côté ceux qui ont des emplois protégés. Ils découvrent le télétravail et le vivent comme un progrès quand ils ont des logements suffisamment grands. Et de l’autre côté, les fameux premiers de cordée, privés de télétravail par la nature de leur emploi et très mal récompensés de leurs efforts, ils ont souvent les salaires les plus bas.
Contrairement à la période des « Trente glorieuses », cet après-guerre qui est la référence d'une croissance radieuse dans l'imaginaire des Français, le travail au XXIe siècle ne permet plus une amélioration substantielle du niveau de vie sur l'ensemble de sa carrière, d'où cette grande démotivation. Elle explique le rejet massif de la réforme des retraites. Si le travail ne tient plus ses promesses de promotion socio-économique, l'idée d'y passer deux ans de plus peine à convaincre.
Grande fatigue
Un phénomène de rejet du travail qui n’est pas étayé par des données statistiques. En taux d’activité, en nombre d’heures travaillées ou en productivité, les Français sont plutôt des bons élèves de la classe européenne, même si la productivité française tend à baisser depuis la pandémie. Les salariés français ressentent une grande fatigue, accumulée pendant ces décennies de chômage de masse. Ces décennies de plans sociaux, de fermetures d’usines qui ont totalement déstructuré le monde du travail. La réindustrialisation qui s’amorce est encore trop ténue pour inverser la tendance.
En attendant, c’est maintenant que syndicats et patronat doivent explorer de nouveaux territoires pour définir un pacte plus équilibré entre l'offre et la demande de travail. Pénibilité, emploi des seniors, semaine de quatre jours : les syndicats ont des propositions à faire sur tous ces thèmes. À voir si Élisabeth Borne est prête à les entendre.
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