Série d'été - La pollution textile [1/5]: en Inde, les champs de coton en proie aux insectes
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Toute la semaine, RFI vous propose une série sur l’envers du décor du secteur du textile. L’Inde est le 2e producteur de coton au monde. Cette culture est très sensible aux attaques d’insectes, et pousse donc grâce à l’utilisation de granges quantités de pesticides. Ces intrants sont cancérigènes et dans la région agricole du Pendjab, les médecins craignent que leur utilisation entraine des problèmes de santé. Certains agriculteurs essaient donc de développer une culture de coton biologique.

Gurjit Singh avance d’un pas lent sur son champ de coton du village de Jodhpur Romana, au Pendjab. Ses plants ont à peine deux mois et montent jusqu’à la taille. Les feuilles sont belles, d’un vert profond. Mais c’est en regardant à l’intérieur des fleurs de coton que le regard de Gurjit s’assombrit : « Regardez ce bouton. Tout a l’air bien. Mais quand vous regardez mieux, vous voyez ces petits points roses, ce sont les chenilles roses. Et elles vont manger tout le coton. C’est horrible, car vous ne voyez les dégâts qu’au moment de récolter. »
Pesticides
Depuis trois ans, cette chenille rose dévaste les plants de coton du nord de l’Inde, et a divisé par deux la production du Pendjab de l’année dernière. Les agriculteurs s’accrochent donc à la seule arme qu’ils connaissent : les pesticides chimiques : « L’année dernière, nous avons augmenté fortement les doses et arrosé les plants toutes les semaines. Nous avons même mélangé certains pesticides en espérant augmenter leur efficacité. Mais cela n’a pas servi à grand-chose. »
Cette utilisation accrue de pesticides a un autre effet, toutefois : Gurjit tousse davantage qu’avant. Il dit être habitué à ces vapeurs, mais son corps, lui, absorbe en silence ces résidus toxiques.
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Le Pendjab est la région indienne qui utilise le plus de pesticides par hectare cultivé, à cause de son agriculture intensive de blé et de riz, mais aussi du fait de ses champs de coton : cette plante fragile est la culture au monde qui requiert le plus de pesticides.
Effets néfastes sur la santé
Au Pendjab, les effets sur la santé sont encore mal mesurés. La dernière large étude sur les cancers date d’il y a 10 ans. Le docteur Parvinder Singh Sandhu est oncologue à l’hôpital de Bathinda, en plein cœur de cette région cotonnière : « Les pesticides sont cancérigènes. Mais nous n’avons pas de données pour prouver quels types de cancers ont été causés par leur utilisation. Le cancer le plus commun chez les agriculteurs est celui du foie. Cela peut être dû aux pesticides, mais beaucoup ont aussi des hépatites C ou sont alcooliques. Les cancers sont provoqués par beaucoup de facteurs, et il est difficile d’isoler une seule cause. »
Ces dernières années, le gouvernement fédéral a interdit l’utilisation de pesticides toxiques et résistants, comme certains organophosphores. La vente des intrants chimiques a aussi baissé grâce à l’introduction d’une variété transgénique de coton, le coton Bt, qui se défend naturellement contre la chenille américaine. Mais il n’est pas protégé contre la chenille rose, qui ravage les plants.
Coton bio
Artej Singh Mehta n’a pas ces problèmes : cela fait 22 ans qu’il fait pousser du coton biologique. Il est l’un des rares agriculteurs à y arriver dans la région : « Le plus important est de bien alterner les cultures entre coton et moutarde, afin de régénérer les sols. Autour de mon champ, j’ai aussi placé des plantes qui attirent les oiseaux. Ceux-ci vont ainsi manger les insectes qui attaquent le coton. Pour protéger les plantes, je vaporise aussi un mélange d’eau et de sucre non raffiné. Le biologique demande un entretien régulier et de la main d’œuvre. Il faut également accepter des rendements plus faibles, et ne pas courir après l’argent. Mais c’est possible. »
Les autorités agricoles régionales essaient d’intégrer des méthodes plus naturelles de protection, mais soutiennent qu’il est impossible de mener une agriculture commerciale de coton sans intrants chimiques.
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