Les Européens divisés sur le sort de la fusée Ariane
Publié le :
Le programme de la fusée Ariane a longtemps fait la fierté de l’Europe. Aujourd'hui, il la divise. Pour lui donner un nouveau souffle, face à la concurrence écrasante de Space X, les ministres concernés se retrouvent ce lundi 6 novembre à Séville, en Espagne, pour enfin se mettre d'accord.

Avant d'évoquer l'avenir, c'est-à-dire que faire, et pourquoi faire dans l'espace, les Européens doivent urgemment résoudre la question du transport. Car en ce moment, il n'y a même plus de lanceur lourd à disposition, une crise sans précédent pour l'Europe qui avait conquis de haute lutte son indépendance avec le programme de la fusée Ariane. Ariane 5 a effectué son dernier tir cet été sans que sa cadette soit prête à la remplacer. Dans ce vide intersidéral, les Européens ont fini par se résoudre à faire appel à Space X pour assurer le lancement de quatre satellites du système de navigation Galileo. Une double humiliation pour l’Europe : contrainte de reconnaître la domination du grand rival et aussi sa dépendance à l’égard des États-Unis pour son programme GPS, mis au point justement pour s’affranchir de leur tutelle technologique.
Pourquoi une telle panne de lanceur alors que l’Europe était très bien positionnée sur ce marché ?
Space X et ses fusées réutilisables ont soudainement ringardisé le lanceur européen, toujours utile mais beaucoup plus cher. Il a fallu mettre les bouchées doubles pour mettre au point un concurrent compétitif. Cela prend du temps et surtout beaucoup d’argent. Les coûts d’Ariane 6 ont explosé. Les industriels estiment avoir besoin de 350 millions d’euros de subventions annuelles à partir de 2026, deux fois plus que ce qui a été acté en 2021. Une addition trop salée, rejetée par l'Allemagne. Comme l'Italie, elle veut dorénavant privilégier ses intérêts nationaux. Rome, qui a sa propre gamme de lanceur Vega, voudrait commercialiser elle-même les vols sans passer par Arianespace. Tandis que Berlin pousse à l’ouverture du marché des futurs mini-lanceurs qui pourraient être made in Germany.
Paris, qui finance la moitié du programme, dénonce la mauvaise gouvernance.
C’est ce qu’explique le président du CNES, Philippe Baptiste. D’après lui, le problème vient de la règle du retour géographique. Chaque pays est en mesure d’exiger des retombées pour son industrie à la hauteur de son investissement, même s'il ne produit pas l'élément le moins cher du marché. Un système contre-productif, très lourd à gérer et in fine hyper-inflationniste. Les 12 pays partenaires de la fusée Ariane, qui se retrouvent aujourd'hui à Séville, sont au bord de la rupture sur le financement futur de ce programme phare de l’Europe spatiale.
Tandis qu'Elon Musk, lui, enchaîne les succès commerciaux.
Space X est de fait en situation de quasi-monopole, avec déjà 77 tirs à son actif en 2023. C’est bien plus que son score de 2022 et c’est plus de la moitié des tirs effectués dans le monde. La Chine a lancé une cinquantaine de fusées, la Russie une douzaine, l’Inde six. Et la base européenne de Kourou seulement trois cette année.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne