Croissance, épargne, investissements: les effets concrets de la crise politique en France
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Alors que la France reste sans Premier ministre depuis plusieurs jours, l’incertitude politique s’installe. Derrière les jeux de pouvoir, les conséquences économiques sont déjà visibles : croissance en berne, entreprises prudentes, ménages inquiets.

La France n’a plus de Premier ministre depuis lundi matin. Le dernier gouvernement n’aura tenu que treize heures, un record de brièveté qui illustre le degré d’instabilité politique dans lequel le pays est plongé. Et cette situation, loin de rester cantonnée aux cercles du pouvoir, a des effets bien réels sur l’économie. Selon plusieurs économistes, notamment ceux de BNP Paribas, la crise politique aurait déjà coûté près de 0,3 point de croissance à la France en 2025. Cela peut sembler marginal, mais cela représente plus de 8 milliards d’euros de richesse nationale en moins.
En clair, une économie qui aurait pu croître de 1% cette année devra se contenter de 0,7 %. La raison de ce ralentissement est simple : la peur de l’avenir. Les ménages épargnent davantage, les entreprises reportent leurs investissements. Autrement dit, tout le monde garde son argent dans l’attente d’un signal politique plus clair. Ce climat d’incertitude agit comme un frein collectif qui ralentit la machine économique.
Décryptage de Stéphane Colliac, économiste France chez BNP Paribas.
Des ménages inquiets et des entreprises prudentes
Les Français, déjà éprouvés par l’inflation et la perte de pouvoir d’achat, redoutent désormais une hausse des impôts ou une baisse des aides publiques. Ils épargnent davantage. Avant la crise du Covid, le taux d’épargne moyen tournait autour de 15 % du revenu disponible. En 2025, il frôle les 19 %, l’un des plus élevés d’Europe. Ce réflexe de précaution a des effets directs sur la croissance. Quand les ménages dépensent moins, la consommation ralentit. Or, la consommation représente la moitié du PIB français. Quand ce moteur s’essouffle, c’est toute l’économie qui cale.
Le même phénomène touche les entreprises. Moins de commandes, plus d’incertitudes, et une fiscalité jugée instable. Les dirigeants d’entreprise préfèrent attendre des jours meilleurs avant de se lancer. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, les investissements ont chuté de 1,5 %. Les entrepreneurs redoutent qu’un futur gouvernement — quel qu’il soit — change encore de cap. On leur avait promis que la surtaxe exceptionnelle sur les sociétés serait temporaire ; elle pourrait finalement être prolongée. Résultat, un climat d’expectative et de méfiance, où chaque décision politique suspendue devient un frein économique concret.
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Une économie ralentie, mais encore solide
Malgré ce climat tendu, tout n’est pas noir. L’économie française montre une certaine résistance. Les investisseurs étrangers continuent de miser sur la France. La balance courante – la différence entre ce que le pays vend et ce qu’il achète – reste globalement équilibrée. Et, selon le baromètre EY 2025, la France demeure le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers. Certains secteurs connaissent même un rebond : l’aéronautique retrouve des carnets de commandes solides, la production agricole s’améliore après un printemps favorable, et la production industrielle dans son ensemble regagne du terrain depuis l’après-Covid. Le taux d’emploi, lui, atteint 69,6 %, un record. Autrement dit, l’économie française ralentit, mais ne s’effondre pas.
Pour repartir, les acteurs économiques attendent un budget voté et des orientations claires. Mais c’est là que le bât blesse : sans gouvernement stable, impossible de trancher sur la fiscalité, les aides ou les investissements publics. Un cercle vicieux s’installe. L’incertitude politique freine l’économie, et une économie affaiblie nourrit la défiance politique. La conclusion s’impose d’elle-même : pour que la France retrouve sa croissance, il faudra d’abord qu’elle retrouve un gouvernement.
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