C’est le retour en grâce des haies champêtres. Le gouvernement français va financer la plantation de 7 000 kilomètres de haies (des arbres, des arbustes, des buissons) qui avaient disparu des paysages agricoles. Parce que la haie, c’est la vie.

Ici les champs s’étirent presque à perte de vue. Nous sommes en Seine-et-Marne, dans le bassin parisien, haut lieu de l’agriculture intensive. Mais une parcelle de blé attire le regard, non pour sa proximité avec un puits de pétrole, mais parce qu’elle est parsemée de lignes arborées, de futures haies plantées par Olivier Flé. « Je fais de la grande culture céréalière, et j’ai eu envie d’ajouter de la biodiversité, de changer le paysage, d’ajouter une plus-value à mes terres », explique l’agriculteur de 38 ans, héritier de la ferme familiale depuis trois générations sur la commune de Fresnes-sur-Marne, à une trentaine de kilomètres à l’est de Paris.
Son champ de blé de 11 hectares s’est enrichi il y a deux ans de près de 500 arbres, plantés sur des lignes espacées d’une quarantaine de mètres, assez large pour ne pas entraver le travail des machines agricoles. À la veille du printemps, « on voit que les bourgeons démarrent, et dans deux ou trois ans, espère-t-il, on aura de belles haies. On a un merisier qui fait près de deux mètres, on a des noyers d’à peu près la même taille, et à côté de ça, on a un chêne de 50 centimètres de haut. Donc, il faut être patient ! »
La haie au service de l’environnement
Entre ces futurs grands arbres, l’agriculteur a aussi planté des arbustes fruitiers, comme des groseilliers, des noisetiers ou des pommiers sauvages… La promesse de fruits pour sa production d’alcool distillé. Car le céréalier Olivier Flé, qui s’est diversifié, fait aussi du whisky. Le bois issu de l’élagage des arbres sera aussi utilisé. Dans la haie, rien ne se perd. Et au contraire, tout prospère ! « La haie va apporter une multitude de services environnementaux. Il va y avoir des insectes, et pas que les bons, mais l’idée est de créer une synergie. On va avoir des oiseaux, tout un tas de choses… » Des auxiliaires de culture : pollinisateurs et prédateurs de ravageurs. Tout un écosystème autorégulé. Le seul ennemi de la haie jusqu’ici est le sanglier, qui vient régulièrement gratter le sol au pied des nouvelles plantations.
Ces haies miraculeuses, on les avait pourtant coupées un peu partout en France, défigurant les paysages de bocages. La politique était alors aux remembrements pour agrandir les parcelles, au nom du productivisme, quitte à sacrifier l’environnement, à coup d’intrants chimiques, responsable encore aujourd’hui de la mauvaise réputation de l’agriculture française. « On leur a demandé de produire, et pas de s’occuper du sol, rappelle Olivier Flé. Donc, il ne faut pas pointer du doigt les paysans français ; ils ont juste fait ce qu’on leur demandait. »
Pour la régénération des sols
Aujourd’hui, même dans l’une des régions les plus fertiles d’Europe comme le Bassin parisien, les sols se sont dégradés. Et c’est là que les haies interviennent. Les arbres protègent de l’érosion, du vent, retiennent l’eau et régénèrent les sols. « Ils peuvent contribuer à redonner une partie de la fertilité des terres, explique Agnès Sourisseau, paysagiste et agricultrice, active au sein de l’association Agro’file qui a accompagné Olivier Flé dans son projet agroforestier. Grâce aux feuilles qui tombent, les arbres permettent de créer un humus stable, pour les générations futures. »
La régénération des sols est un travail de longue haleine, et l’agroforesterie un investissement rentable à moyen terme. Tout le monde n’y est pas prêt. « Planter des haies, ça implique de sacrés bouleversements dans les parcelles, souligne Olivier Flé. Ça ne se fait pas en un coup de cuiller à pot, et je comprends mes voisins qui ne veulent pas y aller, parce que c’est contraignant. Et quand on ne gagne pas beaucoup d’argent, on n’a pas envie de perdre de la surface. » De part et d’autre de chaque haie, l’agriculteur a laissé une bande de 2 mètres de prairie pour que le vivant s’épanouisse. Autant de surface agricole en moins, c’est vrai. Haie pourtant, la haie est la clé des champs.
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