Après le feu (2/2): la tortue d'Hermann est résistante
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Après le plus grand incendie de l'été en France, sur la Côte d'Azur, « C'est dans ta nature » est retourné dans la plaine des Maures, l'un des derniers sanctuaires de l'unique tortue terrestre présente en France, la tortue d'Hermann. La catastrophe redoutée semble avoir été évitée.

Autour d'un café du matin, c'est l'heure d'un premier bilan. Deux semaines après la fin du grand incendie qui a détruit plus de 7 000 hectares, un jeune bénévole, qui ratisse la Réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures à la recherche de tortues, livre un chiffre plein d'espoir : « 61,8% ». C'est la part de tortues retrouvées vivantes après le passage du feu.
La tortue d'Hermann, l'unique espèce de tortue terrestre présente en France métropolitaine, est ici l’emblème animal de la région - on l'appelle plus souvent tortue des Maures. (Outre le Var, on ne la rencontre plus qu'en Corse.) Six tortues sur 10 retrouvées vivantes : le reptile a finalement plutôt bien résisté aux flammes, alors que l'an passé, après l'incendie qui avait frappé Ramatuelle, un peu plus au sud, le taux de mortalité avait dépassé 90%. Pendant l'incendie de la Plaine des Maures, la rapidité du passage du feu, poussé par un vent violent, a permis dans de nombreuses zones d'épargner les tortues qui s'en tirent avec des blessures, des brûlures à la carapace plus ou moins prononcées.
Sauvées par la canicule
Mais un autre phénomène explique ce taux de survie plus élevé que ce qu'on redoutait : la canicule qui sévissait juste avant l'incendie. « Les tortues sont des reptiles et ont pour habitude de restreindre leur activité, de se cacher, de ne plus trop manger ni trop boire parce qu'il n'y a plus trop de ressources à cette époque-là, explique Sébastien Caron, le responsable scientifique de la Soptom, la Station d’observation et de protection des tortues et de leurs milieux. On dit que les tortues se mettent en estivation. » Une forme d'hibernation estivale, où les tortues « se posent, ne bougent plus, et attendent patiemment que la canicule passe. Et c'est grâce à cela qu'elles ont pu se protéger du feu, c'est là aujourd'hui qu'on les retrouve », dans des cavités, sous ces pierres aux tons parfois rosés qui composent le paysage de la plaine et du massif des Maures. Merci la canicule ! Sous la roche pour se protéger du soleil, les tortues étaient déjà à l'abri quand les flammes sont arrivées.
Mais le feu n'est pas le seul ennemi deTestudo hermanni. L'humain, qui débroussaille, qui laisse son chien vagabonder et jouer avec les tortues, « qui prélève ou plutôt braconne » le reptile à carapace pour l'installer dans son jardin, est aussi responsable de la disparition de la tortue des Maures, espèce classée en danger par l'UICN. Aujourd'hui, le préfet du Var a interdit la zone aux promeneurs, notamment pour protéger les tortues. « Les gens peuvent avoir, sous couvert d'une bonne intention, la volonté de sauver les tortues qu'ils trouvent dans leur milieu naturel, pensant les protéger en les ramenant chez eux, relève Concha Agero, la directrice adjointe de l'Office français de la biodiversité pour les régions Corse et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Mais la tortue s'adapte très bien à la survie dans ce milieu incendié. »
Jeûne forcé
Dans ce paysage lunaire, noirci par le feu, où il n’y a presque plus rien à manger ni à boire, les tortues s'adaptent. « Elles sont vraiment capables d'attendre, de jeûner tout simplement, pendant des semaines, voire un mois, si ce n'est plus. Elles ne perdent pas de poids, elles attendant tranquillement que "les beaux jours", entre guillemets, arrivent. Et "les beaux jours", pour une tortue, ce n'est pas le soleil mais la pluie, explique Sébastien Caron. Ce sont des animaux très résistants, qui ont déjà résisté (pour d'autres espèces à l'époque, il y a 50 millions d'années) à des cataclysmes. Donc elles savent faire ! On s'est même rendu compte que l'année qui a suivi l'incendie de 2004, ici, les tortues qui avaient survécu se portaient très bien, avec une bonne masse corporelle voire supérieure à celle qu'elle pouvait être avant le feu, bénéficiant tout simplement des repousses de la végétation qui explose l'année d'après et les années qui suivent. »
Mais plusieurs dizaines de tortues ont été retrouvées blessées, la carapace plus ou moins brûlées. L'équipe de Sébastien Caron les soigne, au Village des Tortues de Carmoules. Crème cicatrisante, antibiotique, réhydratation... Les tortues brûlés superficiellement seront relâchées quelques semaines avant le début de l'hibernation, fin octobre, début novembre, avant de se reproduire, on l'espère, l'année prochaine. Il faut sauver l'espèce menacée.
À écouter aussi : Après le feu (1/2): la nature renaît de ses cendres
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