La consommation d’huîtres bat son plein, en France, pour les fêtes de Noël et du Jour de l’An. C’est la haute-saison des huîtres d’élevage. Reportage avec un ostréiculteur installé dans la réserve naturelle de Moêze-Oléron, sur la côte Atlantique.

« Et voilà les petites dames ! » Les pieds dans l’eau, chaussé de cuissardes, Auréliano Moissenot vient de récupérer quelques douzaines d’huîtres qu’il avait placées au début de l’été dans des claires, des bassins d’eau salée, alimenté par des canaux remplis au gré des marées de l’océan, au cœur de la réserve naturelle de Moëze-Oléron, en Charente-Maritime, sur la côte Atlantique française. Nous étions là quelques semaines avant les fêtes de fin d’année, la période d’intense activité pour les ostréiculteurs. 130 000 tonnes d’huîtres en moyenne sont produites chaque année en France, et près de la moitié sont consommées entre Noël et le Jour de l’An.
« C’est là que tu vois que l’eau est chaude ! », sourit le jeune ostréiculteur, enfoncé dans la claire jusqu’aux genoux. Il est l’un des rares éleveurs d’huîtres installés dans le bassin de Marennes-Oléron à assurer tous les métiers de la filière, de la reproduction des huîtres jusqu’à la vente directe sur les marchés. Les claires ne lui appartiennent pas. Aurélien Moissenot les loue au Conservatoire du littoral, l’organisme public qui a acquis les terres et les marais avant que ne soit créée la Réserve naturelle de Moêze-Oléron, un paradis maritimo-terrestre pour les oiseaux migrateurs. Même si ce matin-là, et il faisait encore nuit, on entendait tirer les chasseurs, autorisés à l’extérieur de la réserve.
La couleur du phytoplancton
L’océan est à quelques centaines de mètres à peine. Le soleil vient de se lever, le ciel s’est embrasé. « C’est pas beau, là ? La vie est belle, hein ? Je ne prends pas beaucoup de jours de repos, mais ici c’est un peu tous les jours les vacances ! » Le spectacle de la nature est partout. Un vol de canards fend le ciel orange sanguine. Et la couleur des huîtres est, elle aussi, exceptionnelle, entre le vert et le bleu pétrole.
« Il y a toute la Charente-Maritime là-dedans, s’exclame Aurélien Moissenot en ouvrant avec un couteau le coquillage bivalve qui était dans l’eau il y quelques instants à peine. C’est magnifique ! Elles sont vertes, grâce au phytoplancton qu’on a mis il y a un mois. » Le phytoplancton, des microalgues invisibles à l’œil nu, est à la base de la chaîne alimentaire dans les océans. C’est lui qui donne ici à la chair de l’huître son goût et sa couleur. Les huîtres s’en nourrissent en filtrant l’eau de mer, comme tous les coquillages bivalves (moules ou palourdes). L’huître filtre ainsi une quinzaine de litres d’eau par heure.« Parce que l’huître a une bouche, eh oui ! Et un petit cœur aussi ! Des fois quand je les ouvre sur les marchés pour les montrer aux clients, je leur dis : “Regardez, il y a un cœur qui bat.” Parfois on le voit, ça fait doum-doum ! Bon, des fois ça écœure les gens ! », rit l’ostréiculteur.
Naissance des huîtres
Il est 8 heures, l’heure de la dissection. « Là il y a trois filtres, les trois membranes vertes qui ramènent la boue vers l’arrière. » De la pointe de son couteau, Auréliano Moissenot chatouille l’huître dont il a ouvert la coquille. « La bouche est au fond, là ! Et comment sait-on qu’une huître mange bien ? Le marron qu’on voit, c’est le phytoplancton que l’huître a mangé. Et ça, ça a du goût ! »
Une huître mettra plusieurs années avant d’arriver dans votre assiette. Et il faudra d’abord, pour les ostréiculteurs, aller récupérer en mer les naissains, les bébés huîtres. Ceux d’Auréliano Moissenot se trouvent un peu plus au nord, au large de l’île de Ré. « Les huîtres se reproduisent le plus en mer du 15 juillet au 15 août, des dates ancestrales établies par les vieux. » La fécondation des huîtres est externe, et la période de reproduction s’étale durant tout l’été, de juin à septembre.

Huîtres laiteuses
Les huîtres sont dites « laiteuses », en raison de la laitance, le sperme que rejettent les mâles et qui fécondera dans l’eau les millions d’ovules expulsés par les femelles. L’espèce est hermaphrodite, une étude de l’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, laissant à penser qu’en vieillissant, les huîtres produisant des gamètes femelles deviennent de plus en plus nombreuses.
« Les huîtres crachent leur laitance, et au bout d’une vingtaine de jours, la larve arrive à se fixer sur les capteurs qu’on a posés. On ira les récolter un an après. » Il s’agit des naissains. La larve, en grandissant, aura pris la forme de l’huître à l’âge adulte.« Au printemps prochain, elle sera grosse comme mon ongle », précise Auréliano Moissenot. Petite huître deviendra grande, à la saveur de l’océan.
« J’ai trop mangé d’huîtres au réveillon, et j’ai peur d’avoir avalé une perle »
La fève qu’on avale dans la galette des Rois, ce n’est que la semaine prochaine... Pour les huîtres, il n’y a pas trop d’inquiétude à avoir. On n’a presque aucune chance de tomber sur une perle. Sa formation est un accident de la vie aquatique provoqué par l’intrusion dans la coquille d’un petit objet irritant, un grain de sable par exemple. Alors, pour se protéger, l’huître entoure l’intrus de plusieurs couches de nacre, la matière minérale qui recouvre le fond de la coquille. Ce qui forme, avec le temps, une perle. Une perle rare.
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