C'est dans ta nature

Photo animalière: dans l’intimité des oiseaux

Publié le :

Les photographes animaliers sont des témoins privilégiés de la nature et de ceux qui y vivent. Rencontre avec le photographe Antoine Dusart, passionné des oiseaux.

Une aigrette garzette pêche sous l’œil du photographe.
Une aigrette garzette pêche sous l’œil du photographe. © Antoine Dusart
Publicité

(Rediffusion du 23 janvier 2022)

« Maintenant je suis caché, il n’y a plus qu’à attendre. » Dissimulé sous une couverture de camouflage, derrière des roseaux sauvages, le photographe Antoine Dusart, amoureux des oiseaux, chuchote au bord d’une mare, à deux pas de la Charente et de ses eaux grises qui se jettent à peine plus loin dans l’océan Atlantique. Objectif plumes : fondu de la nature, et fondu dans la nature, allongé dans l’herbe, les coudes dans la vase et l’appareil en mains, le jeune homme est à l’affût.

Quand soudain une aigrette se pose, à quelques mètres à peine du photographe. Mais le grand oiseau blanc, juché sur ses échasses et doté d’un long bec pour harponner les poissons et les crustacés, ne va pas rester très longtemps. Le gros micro rouge de RFI a fait peur à l’aigrette, qui s’est envolée dans un cri, contrariée.

La photographie animalière est un jeu solitaire. Dans la nature, l’humain doit s’effacer. Avec un mot d’ordre : le respect. « À marée haute, les oiseaux sont là pour se reposer, pour se toiletter, explique Antoine Dusart. Ce sont des moments qu’il faut respecter. Il faut accepter de laisser l’oiseau venir à soi, plutôt que de se positionner de manière idéale dès le début pour avoir le gros plan. » Mais certains photographes n’ont pas cette éthique, prêts à tout pour un cliché.

Tenue de camouflage pour le photographe, pour voir sans être vu, sans déranger les oiseaux.
Tenue de camouflage pour le photographe, pour voir sans être vu, sans déranger les oiseaux. © RFI/Florent Guignard

Photographe et naturaliste

On passera rapidement sur le cas du Brésilien Marcio Cabral, vainqueur en 2017 du Wildlife Photographer of the Year avant qu’on ne se rende compte que le fourmilier géant qu’il avait saisi sous un ciel étoilé était en réalité un animal empaillé… On rapporte aussi des cas de grenouilles congelées avant la séance photo pour paralyser leurs mouvements. Alors que la photo animalière s’est démocratisée grâce à la baisse du prix du matériel, quelques moutons noirs sévissent, sans scrupules ou par ignorance, quitte à déranger la reproduction, un terrier ou un nid.

Les photos de nid sont d’ailleurs désormais exclues des concours photographiques. Des sites naturels réputés, devenus « instagrammables », sont aussi pris d’assaut, perturbant tout l’écosystème. Après le tourisme de masse, la photographie de masse ? On peut en réalité se réjouir d’un engouement pour la nature, à condition de se renseigner et d’apprendre sur ceux qui y vivent.

Un photographe animalier doit être aussi et d’abord naturaliste. « La photo est un bon moyen pour connaître la nature qui nous entoure, précise Antoine Dusart. Après, chemin faisant, si on a envie de faire de bonnes photos, il faut obligatoirement être un bon naturaliste. »

Quand on connaît bien la nature, on sait où les oiseaux vivent, de quoi ils se nourrissent, etc. Il n’y a pas un grand panneau où est indiqué “ici super zone pour la photo” ! Il faut donc forcément marcher, observer. Il faut des heures d’observation sur le terrain.

Deux êtres vivants se rencontrent

Antoine Dusart, 33 ans, a commencé la photo d’oiseaux il y a trois ans et a déjà remporté deux prix. Ses clichés, artistiques plus que naturalistes, sont des poèmes lumineux où les oiseaux, sublimés, semblent parfois flotter dans la nature évanescente. Ancien Parisien recruté par la LPO, la Ligue pour la protection des oiseaux, à Rochefort en Charente-Maritime, son terrain de jeu préféré se trouve tout près de son domicile, une roselière dans les marais charentais, à quelques kilomètres de la réserve naturelle de Moëze-Oléron, paradis pour oiseaux migrateurs, où l’infinie patience du photographe est enfin récompensée. Lever aux aurores, des heures d’attente ; soudain le miracle a lieu. Attention, le petit oiseau va surgir.

« Lorsque la rencontre espérée se produit et que l’oiseau se pose, il y a de l’adrénaline et c’est évidemment beaucoup d’émotion, confie Antoine Dusart. L’oiseau n’en a rien à faire de nous, mais on a l’impression de pouvoir lui parler à travers la photo. C’est une rencontre entre deux êtres vivants, sans rien d’autre, sans convention. On a réussi à entrer un peu dans l’intimité de l’oiseau… Oui, c’est un moment fort. » Il y a de la tendresse dans le regard du photographe, qui témoigne de la beauté du monde et de sa fragilité.

On a alors l’impression que le paysage qu’on fréquente, qu’on voit, est le lieu le plus précieux au monde. Et quand on sait ça, il ne sert à rien de courir le monde : on a le bonheur à proximité.

« Je me sens pousser des ailes… Est-ce possible ? »

D’un point de vue biologique, non. Chez les mammifères, seules les chauves-souris volent. Quant aux oiseaux (il y en a aujourd’hui plus de 10 000 espèces dans le monde), ils descendent directement des dinosaures, et ce sont leurs pattes avant, avec l’évolution, qui sont devenues des ailes, pour se déplacer sans toucher le sol. Un avantage compétitif pour échapper aux prédateurs, se nourrir et aller passer l’hiver au soleil.

Voler demande une énergie considérable, et une étude récente sur des oiseaux d’Amazonie montre qu’en 40 ans, ils ont perdu du poids et leurs ailes ont grandi, à cause du réchauffement climatique. Oui, la planète bat de l’aile.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes