Liberté de la presse: la résolution du Parlement européen qui vise le Maroc
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Le Parlement européen vient de voter une résolution dénonçant les atteintes à la liberté d’expression au Maroc sur la détérioration des conditions d’exercice du journalisme.
C’est la première fois en 25 ans que le Parlement européen vote une résolution d’urgence sur les droits humains au Maroc. D’habitude, comme dit Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF, il y a une « fâcheuse tendance » à exempter le royaume chérifien de « toute remarque sur les atteintes à la liberté de la presse ».
On préfère voir en cet ami de la France un partenaire commercial ou encore un lieu de tourisme et de villégiature. Et peu d’Européens cherchent à savoir pourquoi le Maroc est juste derrière l’Algérie, à la 135e place sur le classement de la liberté de la presse. Même le Soudan ou la Libye font mieux que lui.
Le Maroc dans le collimateur de la justice belge
Bien sûr, et c’est aussi ce qui explique que la résolution ait été adoptée par une écrasante majorité – 356 voix pour et 32 contre – cette prise de position du Parlement européen intervient dans un contexte : celui du « Marocgate ». Si l’on se souvient surtout du Qatar dans cette affaire de corruption de parlementaires européens qui a mené à l’arrestation de l’ancien eurodéputé Pier Antonio Panzeri, il n’en demeure pas moins que c’est le Maroc qui était visé par la justice belge.
Pour tenter d’empêcher la résolution sur les droits humains, des lobbyistes marocains ont d’ailleurs tenté de faire valoir à Strasbourg qu’on ne pouvait pas s’appuyer sur des reportages de médias pour accabler un pays.
Des journalistes inquiétés par la justice marocaine sous de faux prétextes
Cela en dit long sur le peu de considération que porte le royaume aux journalistes indépendants. L’un d’eux, Omar Radi, lauréat du prix RSF, a été condamné à six ans de prison en appel l’an dernier après avoir déjà purgé deux ans de détention. Il est accusé de viol ou d’agression sexuelle, quand ce n’est pas de « traite d’êtres humains », comme ses confrères Taoufik Bouachrine ou Souleiman Raissouni - du quotidien Akhbar al-Yaoum, disparu en 2021 - qui purgent respectivement 15 et 5 ans de prison. Des allégations bien commodes, en pleine époque #MeToo pour dissuader les journalistes d’enquêter.
Résultat, malgré un Code de la presse de 2016, qui supprime les peines de prison pour les délits de presse, des poursuites judiciaires sont engagées sous de faux prétextes contre des journalistes gênants. Selon RSF, les sujets hautement sensibles s’appellent la corruption, le Sahara occidental, la monarchie, l’islam, voire la gestion de la pandémie.
La situation est aggravée par le fait que les médias indépendants souffrent d’un accès très limité aux ressources, notamment publicitaires. Enfin, la résolution dénonce explicitement la surveillance dont a fait l’objet Omar Radi et d’autres journalistes à travers le logiciel espion Pegasus, avec la volonté ainsi de remonter à leurs sources.
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