Nucléaire: l'industrie rappelle l'urgence à ouvrir de nouvelles mines d'uranium
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L'approvisionnement en uranium sera-t-il suffisant pour répondre aux ambitions mondiales dans le secteur, d'ici 2040 ? L'industrie se dit inquiète et étudie plusieurs scénarios de l'offre et de la demande dans son rapport biennal qui vient de sortir. L'Association nucléaire mondiale, qui représente les industriels, confirme que la production n'est pas à la hauteur des énormes besoins qui se profilent.
Les besoins en uranium sont connus : 70 réacteurs sont en construction actuellement, dont 59 en Asie. L'inconnue, c'est la bonne tenue ou pas du calendrier de leur mise en service. À cela peut s'ajouter la validation d'autres projets plus hypothétiques, qui sont toujours en attente de décisions règlementaires ou d'investissements.
Sur la base d'un scénario dit de référence, qui se base sur les objectifs annoncés des gouvernements, l'Association nucléaire mondiale estime dans son rapport que les besoins pourraient plus que doubler d'ici à 2040 pour atteindre 150 000 tonnes. Un chiffre appelé potentiellement à être plus bas ou plus haut dans un scénario très optimiste.
Du côté de l'offre, les perspectives ne sont pas les mêmes : les mines existantes s'épuisent et la production pourrait diminuer de moitié entre 2030 et 2040 selon l'Association nucléaire mondiale. Des producteurs font épisodiquement état de difficultés : tout récemment, Kazatomprom au Kazakhstan et le canadien Cameco ont revu à la baisse leurs ambitions pour 2025.
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Risque d'approvisionnement ?
D'ici à la fin de la décennie, la production répondra amplement aux besoins selon Teva Meyer, chercheur associé à l'Iris (l'Institut des relations internationales et stratégiques) et co-auteur d'un rapport sur l'approvisionnement en uranium, publié en janvier 2025 par l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques (OSFME). Selon l'Association nucléaire mondiale, la production a même augmenté de 22 % entre 2022 et 2024.
Mais à partir de 2035, des mines auront fermé et la production mondiale sera insuffisante pour alimenter les réacteurs existants et a fortiori ceux qui doivent entrer en fonction. À cela s’ajoutent des incertitudes sur la production australienne : l'activité de la plus grosse mine au monde d'uranium – dans laquelle le minerai est un co-produit du cuivre –, se développe dans une zone à plus faible teneur.
L'industrie renouvelle donc son appel à accélérer les investissements pour éviter des ruptures d'approvisionnement, au vu des délais inhérents au développement d'une mine. Le problème est que les prix qui évoluent dans une fourchette comprise entre 70 et 78 dollars la livre d'uranium sont à peine supérieurs au coût d'exploitation des gisements actuels, et donc guère incitatifs.
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Impact de la guerre en Ukraine
La guerre en Ukraine a un impact indirect sur le secteur depuis mars 2022 : elle pose la question de la dépendance à la Russie, qui est un fournisseur majeur d'uranium enrichi – minerai transformé pour être utilisé comme combustible. Pour l'instant, les Occidentaux ont peu d'alternative, mais ils misent sur le développement de capacités d'enrichissement, en France, aux Pays-Bas et aux États-Unis, dans l'espoir de pouvoir se passer d'ici à quelques années des importations russes. Selon un responsable d'Orano, cité par le Financial Times, « il faudra attendre le début des années 2030 pour voir l'Occident rompre sa dépendance à l'enrichissement russe ».
La politique commerciale américaine a aussi un impact sur le marché : les droits de douane ne concernent pas l'uranium à ce stade, mais c'est une crainte, et « très peu de contrats d'approvisionnement en uranium ont été signés ces derniers temps », assure un observateur de la filière.
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