Après le Bangladesh, le coton africain regarde vers le marché indien
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L'avenir du coton africain était au cœur de la réunion annuelle de l'Association française cotonnière (Afcot), qui s'est tenue les 29 et 30 septembre à Deauville, en France. L'or blanc du continent est devenu, ces dernières années, dépendant de la demande du Bangladesh, son principal client. Mais le Brésil, désormais premier exportateur mondial de coton devant les États-Unis, pourrait changer la donne.
Le Bangladesh reste le marché principal pour l'Afrique : environ six balles de coton sur dix y sont exportées. L'année dernière, les importations de coton africain y ont même augmenté de 10%. La part de marché de l'or blanc du continent au Bangladesh est passée de 37 à 40%. Mais il y a, en parallèle, de mauvais signaux : les filateurs bangladais ont eu besoin de 250 000 tonnes supplémentaires cette année, suite à la chute des exportations indiennes, et l'Afrique n'a pas réussi à saisir cette opportunité.
Le Brésil est le pays qui a capté la majorité de cette hausse des achats au Bangladesh. Il en a profité pour s'implanter un peu plus sur ce marché, faisant passer son poids dans le pays de 16 à 24%, précise Antonia Prescott, directrice de la rédaction du site d'information et d'analyse Cotton Outlook. Le coton brésilien est ultra-compétitif et offre notamment de meilleures marges aux filateurs.
Le Brésil, un « problème » pour le coton africain ?
« Le Brésil est notre problème à tous », résumait, le 30 septembre, un acteur africain du coton, lors de la réunion de l'Afcot. Mais derrière cette boutade, il y a une réalité : le coton exerce une pression considérable sur les filières africaines. Parmi ses avantages, on peut citer son coût de production, un des plus faibles de la planète, ses rendements parmi les plus hauts, sa disponibilité parfois dans des délais meilleurs que ceux proposés par l'Afrique, et une qualité standard – notamment pour la qualité Pima –, reconnaît Kassoum Koné, président de l'Association cotonnière africaine.
Dans le secteur cotonnier, le Brésil fait l'effet d'un rouleau compresseur : sa production a augmenté de plus de 72% en quatre ans, relève Antonia Prescott, pour atteindre 4 millions de tonnes. Sur la campagne 2024-2025, le Brésil a contribué à la hausse de la production mondiale – qui a augmenté d'1,3 million de tonnes – et à la lente baisse des prix qui déprime aujourd'hui bon nombre d'opérateurs.
Avec ses atouts, le coton brésilien fait plus d'ombre à l'Afrique que le coton américain, qui ne pèse pour l'instant pas grand-chose au Bangladesh. La donne pourrait cependant changer si le projet de loi Buying American Cotton devait voir le jour. Déjà, comme par effet d'anticipation, les achats de coton américain du Bangladesh ont augmenté cette année de 20% par rapport à l'année dernière, et ceux du Vietnam de 70%.
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L'Inde, l'autre opportunité
L'Inde, autre pays de la filature et du textile du continent asiatique, apparaît aujourd'hui comme un débouché potentiellement intéressant pour l'Afrique. L'Inde est en déficit structurel. Ses besoins, que ce soit dans l'industrie du fil ou de l'habillement, sont de plus en plus en décalage avec la production de coton du pays. Résultat : les importations de coton du pays ont plus que triplé sur la saison 2024-2025, selon les données de Cotton Outlook.
Le Brésil s'est taillé la part du lion en multipliant ses exportations par 12, mais la zone franc a pu multiplier ses ventes par cinq. Le coton africain a aussi profité de la suspension des droits d'importation sur le coton annoncée le 18 août par New Delhi, avec effet jusqu'à la fin de l'année. Une fenêtre d'opportunité, de courte durée, qui s'est déjà quasiment refermée, au vu des délais d'expédition à intégrer, mais qui a permis de relancer les ventes.
Des filateurs très sensibles au prix
L'espoir, c'est maintenant que la mesure soit reconduite, même si les filateurs indiens sont très sensibles au prix, eux aussi, et que les négociants vont devoir faire preuve de persuasion pour les convaincre de continuer à acheter africain plutôt que brésilien.
« La qualité du coton de la zone franc ne suffit plus pour rester dans la course », ont reconnu plusieurs participants à la conférence de Deauville. « Il n'y aura pas d'avenir avec un rendement qui reste inférieur à une tonne à l'hectare », a résumé Gérald Estur, expert du secteur.
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