Chronique transports

Le Machu Picchu se donne des ailes!

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Après cinq ans de querelles entre opposants défenseur de l'environnement et supporters, l'aéroport du Machu Picchu verra bien le jour ! Classée au Patrimoine de l'humanité, cette ancienne forteresse inca est le pilier du tourisme péruvien. La pandémie de Coronavirus a retardé le commencement des travaux mais le gouvernement vient d'annoncer que son ouverture reste prévue pour 2025.

Le site du Machu Picchu à Cuzco, est en temps normal l'un des plus visités du Pérou et d'Amérique latine (illustration).
Le site du Machu Picchu à Cuzco, est en temps normal l'un des plus visités du Pérou et d'Amérique latine (illustration). Getty
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C'est un air coréen qui a résonné en ce début janvier dans une école primaire de cette région isolée, près du Machu Picchu. Les élèves ont reçu la visite du patron de l’entreprise sud-coréenne chargée des premiers travaux sur les terrains du futur aéroport.

Sans aucun doute la volonté de gagner la confiance des populations en tentant de convaincre les derniers réticents.

Artisanat et randonnées, la manne touristique

Comme dans toutes les grandes transformations rurales, des agriculteurs ont dû vendre leurs terres et s’exiler. Mais l’agriculture n’est pas tellement soutenue par le pouvoir central. C’est l’artisanat qui prime dans les vallées de cette citadelle inca.

Exode rural et fuite des jeunes vers les villes

Face aux pétitions des défenseurs de l’environnement, le gouvernement a joué la carte de l’enrichissement. Dans tous leurs discours, les dirigeants politiques ont mis en avant les retombées économiques. Cinq millions de voyageurs transiteront chaque année par l’aéroport de Chinchero (à 60 km du Machu Picchu.) Beaucoup de jeunes délaissent déjà les travaux de la terre. Ils voient dans cet aéroport la chance de trouver un emploi en ville.

Bénéfices annuels : 5 milliards de dollars

Lissel Quiroz,est péruvienne, sociologue de l'Amérique latine. Elle comprend le dilemme des habitants, témoins des manifestations écologiques et séduits par l’essor touristique dans cette région de la cordillère des Andes : « Le site est déjà engorgé ! Imaginez, des milliers de personnes par jour descendent et montent les chemins du Machu Picchu. L’UNESCO en classant cette citadelle au patrimoine culturel et naturel mondial, avait estimé un seuil acceptable à 2 500 visites quotidiennes ! Le sanctuaire est situé à près de 2 500 m au milieu de montagnes. Cependant, c’est au-delà qu’il faut regarder, le paysage de toute la région va changer. »

Les derniers sondages en faveur de l’aéroport

La chercheuse souligne qu’un aéroport n’arrive jamais seul ! Des hôtels, des restaurants et toutes sortes de commerces se construiront dans toute la région de Cuzco et à Chinchero, (le lieu de construction du futur aéroport.)

Lissel Quiroz estime que ce sont les personnes âgées qui pâtiront le plus de ces transformations. Les jeunes ne circuleront peut-être pas facilement, ils reviendront moins en famille pour s’occuper des aînés.

Pollution atmosphérique et assèchement du lac

Durant toutes ces années de protestation, les manifestants écologistes ont souligné le risque de pollution et même l’assèchement du bassin hydraulique du lac Piuray, qui sert de réserve d’eau aux habitants.

Pourtant touchés par de nombreux cas de Coronavirus, les habitants de Cuzco et de la région continuent d’emprunter les trains et les autobus vers Lima, la capitale. Des transports publics qu’ils dénoncent régulièrement. Pas assez fréquents et de piètre qualité. Leurs dernières manifestations, le mois dernier, ont été très suivies. Cela montre leur crainte d’assister à l’augmentation des embouteillages et au manque de trains.

Caméras de surveillance, visites limitées le gouvernement promet de protéger le site

Corruption, pollution, saccage culturel… Pour contrer toutes ces accusations, le gouvernement péruvien a décidé de jouer la carte de la transparence. Le mont Machu Picchu, et toutes les constructions du sanctuaire datent du XIVe siècle. Les pierres du temple du Soleil comme celles des autres monuments sont empilées sans mortier. L’an dernier encore, des vandales ont détruit des murs.

Sous surveillance de l’Unesco

En 2019, le gouvernement a adopté une loi sur demande de l’Unesco. Elle fixe le maximum de 2 600 visites par jour. Promenades limitées à trois heures. Le site s’est aussi doté de nouvelles caméras et de parcours fléchés contournant les monuments et chemins les plus fragiles.   

Pour l’Unesco, tous ces efforts devront être maintenus dans une gestion intelligente des flux de touristes venant du nouvel aéroport. Face à la lenteur des changements, et surtout encouragée par l’annonce de la construction de l’aéroport de Chinchero, l’Unesco avait fini par menacer. Lima a frôlé le déclassement du site. L’Organisation des Nations unies voulait le placer sur sa liste des monuments mondiaux en péril.

Cesar Moreno-Triana s'en souvient très bien, il est en charge du site au sein des Nations Unies : « Pendant des années, une question importante, l’élimination des déchets, n’a pas été prise en compte. Nous avons réussi à obtenir avec le pouvoir de Lima et les autorités locales la construction d’un incinérateur et d’une usine pour les plastiques ».

L’Unesco n’a pas de pouvoir de contrainte. Elle ne peut que conseiller, les services de César Moréno-Triana seront très vigilants sur la préservation des sites, des populations et de la ville de Cuzco à 30 km du Machu Picchu. Pour cet aéroport, il a été demandé un rapport strict sur les impacts des constructions à venir. Des bilans réguliers devront être effectués. La pandémie de Covid-19 a retardé les travaux mais le gouvernement reste confiant, il annonce l’ouverture dans trois ans en 2025.

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